Comment générer l’innovation dans une entité de près de 30 000 personnes ? Tel est le défi que la direction Innovation dont Jean-Charles Guillet, Responsable Gouvernance de l’innovation, fait partie, a décidé de relever ! Quelques jours avant la participation de M. Guillet au colloque du 14 avril « Innovations pédagogiques et évaluation des actions de formation » pour le débat « Quelles innovations et gestion des modes d’apprentissage dans l’ère digitale », le Club DéciDRH a voulu en savoir plus !
Club DéciDRH : De quelle manière accompagne-t-on à l’innovation chez Total ?
Jean-Charles Guillet : Avant tout, il faut faire un petit historique. Le groupe Total est constitué de trois branches : Exploration-Production, Raffinage-Chimie et Marketing & Services (commercialisation des produits dérivés du pétrole brut). C’est dans cette dernière qu’a été créé, il y a deux ans et demi environ, une direction Innovation pour développer davantage la partie innovation services. Aujourd’hui, elle compte une dizaine de collaborateurs et nous avons deux objectifs : accompagner les métiers dans leurs projets innovants par toutes sortes de moyens, de la méthode, des outils ; et puis, diffuser la culture de l’innovation dans l’ensemble de la branche qui compte environ 30 000 salariés. Pour ce faire, nous avons utilisé plusieurs leviers comme la communication, la formation mais également le serious game.
Club DéciDRH : Pouvez-vous nous en dire plus sur le serious game sans pour autant dévoiler votre intervention du 14 avril ?
Jean-Charles Guillet : Nous avons un objectif de performance assez ambitieux : sensibiliser l’ensemble de la branche à l’innovation à l’horizon 2017. Ce n’est pas véritablement former mais apporter au moins quelques rudiments, notamment en termes de comportements (accepter le risque et l’échec, être un peu audacieux, regarder autour de soi, écouter, penser différemment) ; en soit, des postures qui permettent de penser innovation. Ainsi pour réaliser ce type d’accompagnement, nous nous sommes dit que le meilleur moyen était la mise en place d’un serious game. Cette application ludique s’inspire des jeux vidéo avec un contenu pédagogique derrière. L’intérêt est que vous pouvez y jouer n’importe où à partir d’un poste de travail, à n’importe quel moment de la journée, seul ou en équipe. C’est donc un rapport qualité-coût assez favorable car si l’on devait sensibiliser 30 000 collaborateurs en présentiel, nous aurions dû y consacrer un budget énorme.
Club DéciDRH : Ce projet n’aurait-il pas pu être également développé par les RH ?
Jean-Charles Guillet : En fait, notre objectif de performance est porté à la fois par notre direction Innovation et la direction de la Formation ; donc les RH. C’est une finalité commune et le serious game a été construit ensemble ainsi qu’avec la direction des Systèmes d’information pour les aspects techniques incontournables. Nous avons collaboré main dans la main sur ce projet de façon très agile et avec une très bonne entente.
Club DéciDRH : Pour favoriser l’innovation, vous créez également des liens avec des start-up. En quoi consistent-ils ?
Jean-Charles Guillet : Dans notre politique innovation, nous avons développé plusieurs axes dont un, l’open innovation ; c’est-à-dire l’ouverture de Total à l’ensemble de son écosystème. Il concerne nos clients que l’on fait par exemple participer à une réflexion sur un produit ou un service innovant, nos fournisseurs qui sont souvent de grands pourvoyeurs d’innovation mais dont jusqu’à présent, nous ne profitions pas pleinement ; et puis, toute une série d’acteurs qui sont autour de nous et que nous n’avions pas encore eu l’occasion d’approcher, à savoir les grandes entreprises et les start-up. Ces dernières sont de petites entreprises qui n’ont pas encore trouvé leur modèle économique et qui sont beaucoup plus porteuses d’innovation que les grands groupes puisque c’est leur raison d’être. Ainsi depuis deux ans, nous développons une politique à la fois de recherche de ces jeunes structures dans des domaines qui nous sont chers (la mobilité, l’énergie…) ; ensuite nous essayons en interne de convaincre les gens, les métiers que l’on peut travailler avec des personnes de l’extérieur. Nous pensons que nous avons tout intérêt à s’inspirer de ce qui se passe ailleurs soit sous forme de partenariats, soit sous forme de relations classiques client-fournisseur, soit éventuellement en rachetant une entité qui va nous apporter plus d’innovation. Pour ce faire, nous utilisons des structures ou des associations qui existent dans l’écosystème parisien comme Paris&Co (anciennement Paris Région Lab) et d’autres clubs auxquels nous participons.
Club DéciDRH : Auriez-vous un exemple de success story ?
Jean-Charles Guillet : Oui, notamment en termes de processus et de façon de travailler avec Yoomap. Cette jeune entreprise innovante a construit pour nous une plateforme de gestion de la relation avec les start-up. Comme notre souci était de trouver le meilleur moyen de mettre en relation nos métiers avec ces « jeunes pousses », nous avons commencé par établir une démarche d’approche agile ; c’est-à-dire d’éviter de considérer l’entité comme un grand groupe, lui proposer des contrats et des documents plus simples, être plus réactif. Yoomap nous a présenté un logiciel permettant d’un côté d’entrer les start-up avec leur qualité, leur offre ; et de l’autre côté, de formaliser le besoin des métiers sous forme de problématiques, de questions assez détaillées. Grâce à ce process, on essaie ensuite de faire matcher le besoin métier avec une ou deux start-up qui peuvent y répondre et on présente les uns aux autres. Enfin, nous faisons éventuellement une expérimentation qui, si elle est positive, débouche sur une relation plus durable.
Un grand merci à Jean-Charles Guillet pour cette interview.
Propos recueillis par Astrid Crabouillet.
Retrouvez Jean-Charles Guillet lors du colloque du mardi 14 avril « Innovations pédagogiques et évaluation des actions de formation ».
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