« Refuser le monde comme il va », vivre l’instant présent sans regretter le passé et craindre l’avenir, oser l’espérance et la bienveillance envers les autres… De ses 17 années passées en mer avec son équipage, et fort de ses expériences de dirigeant, Olivier Lajous a tiré une longue réflexion sur le temps qu’il nous expose dans son dernier ouvrage, L’Art du Temps. Président du Club DéciDRH depuis 5 ans, Olivier Lajous nous amène à réfléchir sur notre façon de considérer et de vivre le temps dans notre vie personnelle mais également professionnelle. A l’occasion de son intervention « Comment briser la dictature du temps dans l’entreprise ? Comment concilier le temps de la réflexion et le temps de l’action ? » lors de l’Université d’été sur le travail, les 18 et 19 juin 2015 à Lille, nous avons souhaité vous faire connaître, un peu plus, cet homme au grand cœur.
Le Club DéciDRH : En quoi ré humaniser les RH vous paraît-il indispensable ?
Olivier Lajous : En fait, c’est d’imaginer que les RH aient pu se déshumaniser ou plutôt se technocratiser qui est effrayant. Lorsque nous parlons des hommes et des femmes, le mot « ressources » n’est pas acceptable. Ils sont une richesse, une rareté. J’avais d’ailleurs la coquetterie lorsque j’étais en poste, de me faire appeler « directeur des richesses » ou « de la rareté humaine » ! Ma conviction est que toute organisation (armée, entreprise, administration, association, club, etc.) est d’abord une aventure humaine avant d’être une aventure technique ou financière. C’est agir et grandir ensemble. Ensuite, chaque être humain est un être social. Nous avons tous besoin d’être reconnu, et ne savons pas vivre seuls. Donc ré humaniser les richesses humaines, c’est se dire que bien au-delà des process de paie et de gestion des emplois, il me faut rentrer dans une relation sincère avec l’autre pour faire qu’ensemble nous allions plus loin ?
Le Club DéciDRH : Quelle est la situation aujourd’hui ?
Olivier Lajous : Je pense que nous avons malheureusement perdu cette notion en raison notamment, du modèle économique de Milton Friedman, qui a véritablement accéléré le temps. C’est un bouleversement qui n’est pas fait pour l’homme car tout est lié à l’argent. Il s’avère que ce système arrive à bout de souffle. Comment trouver le juste équilibre entre un modèle social qui sait redistribuer, équilibrer harmonieusement, et un modèle économique aujourd’hui très réactif, tout numérique et financier ? En fait, je fais totalement confiance à l’intelligence humaine : elle a toujours su s’adapter et c’est ce qu’elle est en train de faire. D’ailleurs, cela me remplit de bonheur de voir des jeunes qui ne sont pas inquiets et qui n’ont pas peur de l’avenir ! En écoutant la génération Z, on se rend compte que pour eux, les belles causes et la vie de famille priment sur le travail. Ils sont pleins d’envies et capables de se mobiliser fortement en donnant le meilleur d’eux-mêmes sur une mission donnée. Le CDD est leur avenir dans un contexte où tout bouge rapidement et où il y a une telle multiplicité des possibles grâce à la mondialisation.
Le Club : DéciDRH est à l’initiative du Prix de l’Hu.Mour RH. Quelle en est la genèse ?
Olivier Lajous : Le Prix de l’Hu.Mour est né de la complicité que j’ai avec Christophe Leparq, le fondateur du Club. A l’occasion d’un déjeuner où nous étions en train de réfléchir à un concept d’évènement original, nous avons repensé à une formule que j’avais énoncée peu de temps avant : « La plus grande qualité d’un dirigeant, c’est probablement l’humour ». De là, l’idée du Prix de l’Hu.Mour a germé. Il correspond à la contraction d’humilité et d’amour ; les deux réunis, cela fait humour ! Nous allons donc honorer un DRH qui se distingue par sa capacité à être humble et bienveillant envers ses équipes, avec une bonne dose d’humour. Je suis persuadé que ces belles valeurs qui sont au cœur de l’ADN du Club amènent de la convivialité dans les équipes.
Le Club DéciDRH : Votre ouvrage intitulé « L’art du temps » est paru récemment. Pourquoi avoir choisi d’aborder cette thématique ?
Olivier Lajous : Le temps est un sujet qui m’a toujours interpellé. Je dirai même, dès le départ ! Je suis un très grand prématuré, et on dit souvent que nous sommes soit des enfants à la santé fragile, soit des hyperactifs, ce qui est mon cas. J’ai donc toujours été un homme pressé, je dors quatre à cinq heures par nuit et j’ai beaucoup de temps pour moi. C’est donc ce décalage de temps entre les gens qui m’a questionné dès ma jeunesse. Puis ma vie de marin est arrivée : j’ai connu des jours entiers où il ne se passait rien, où finalement une sorte de routine s’installait ; et en quelques minutes, arrive le moment où tout se joue à toute vitesse. Là, les heures deviennent des secondes. De plus, quand on voyage, on sait que les autres ne sont pas dans le même temps que nous (décalage horaire, modes de vie, moyens de production et de communication etc.). Il est nécessaire de le prendre en compte. Plus j’ai avancé en âge, plus je me suis rendu compte que les gens qui étaient les plus heureux, les plus aptes à diriger et à aller de l’avant, avaient un art du temps. Ces personnes sont capables de se dégager du temps et de prendre de la distance. Pour moi, il existe un lien étroit entre la violence humaine et le temps : quand on devient impatient, on devient violent. Il n’y a qu’à regarder dans la rue, dans un magasin ou dans une voiture, la vitesse à laquelle nous devenons brutaux, voire violents, simplement parce que nous nous laissons prendre par le temps. Tout ceci m’a beaucoup interpellé et je me suis dit « Je dois apprendre à aimer le temps, à prendre et savoir prendre le temps ». Le livre est né de ces réflexions.
Nos sincères remerciements à Olivier Lajous pour cette interview.
Propos recueillis et retranscrits par Astrid Crabouillet.
L’ART DU TEMPS, Olivier Lajous
L’Harmattan, 2015, 138 p.
ISBN : 978-2-343-05809-2
Retrouvez Olivier Lajous à l’Université d’été sur « Le travail : confiance vs défiance, collectif vs individualisme » les 18 & 19 juin à Lille. Pour toutes informations et inscriptions, contacter Alissia Nono au 01 46 34 42 96 ou sur l’adresse mail alissia@decidrh.com.
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