Echange entre Christel Lambolez, présidente de Jobsféric et Christophe Leparq, directeur de l’agence Adesidées et fondateur du Club décidRH sur la notion de militantisme RH…
Christel Lambolez : Pour commencer, qu’est ce que le Club décidRH en 2 mots ? Est-ce que tu peux nous expliquer ce que tu as créé il y a quelques années ?
Christophe Leparq : Et oui, c’était en 2007. L’aventure commence à dater et on a fondé ce Club pour réunir des décideurs de la fonction RH autour de problématiques qui les intéressent, avec une petite originalité, celle de réunir des décideurs d’un peu tous les horizons. Et donc dès le départ, nous sommes allés vers des militaires, des personnes de la fonction publique territoriale parce qu’il n’y a pas que des DRH du CAC 40 qui ont le secret de la réussite et c’est intéressant d’aller attraper des petites recettes chez des gens un peu atypiques.
Christel Lambolez : Qu’est ce qui fait votre ADN ? vos valeurs ?
Christophe Leparq : Alors, dans les valeurs, il y a plusieurs choses. Le fait qu’il n’y ait pas trop de consultants, parce que les DRH sont souvent trop chassés sur les événements RH auxquels ils participent. Ils aiment aussi avoir une diversité d’intervenants et une convivialité assez exacerbée qui caractérise pas mal décidRH. On organise notamment le Prix de l’Humour RH qui symbolise bien les valeurs du Club. Chaque année, on remet à une personnalité le Prix de l’Humour RH au sens d’un décideur qui a les caractéristiques de l’humilité dans l’exercice de ses fonctions, de l’amour de son métier et des gens avec qui il travaille, et puis aussi de l’humour.
Christel Lambolez : Qu’est ce qui fait aujourd’hui qu’un DRH est engagé dans sa fonction ?
Christophe Leparq : Il y a plusieurs choses. Avant tout, il faut qu’il croie à l’humain, et dans cette période de transformation, on sait que ce qui va faire la réussite de nos organisations, ce sont les talents dont on dispose. Il faut qu’il ait cette conviction que c’est l’humain qui fait marcher son organisation.
Christel Lambolez : Quoi d’autre ? Il n’y a pas une position de lobbyiste à avoir auprès des instances gouvernementales ? avec tout ce qui se passe à l’heure actuelle par rapport aux lois et à toutes les transformations ? Est-ce qu’ils prennent leur place finalement ? Parce qu’on attend beaucoup d’eux depuis des années…
Christophe Leparq : Ils devraient prendre plus de place, et une place plus stratégique que celle qu’ils occupent aujourd’hui, que ce soit en interne ou en externe : le DRH doit être au Comité de Direction et il doit être influent. Il doit être en binôme avec le Président.
Christophe Lambolez : Mais est-ce que les Directions veulent d’eux ?
Il faut que les Directions soient conscientes de leur rôle. On en vient là à une question sur les compétences du DRH dans son rôle d’influence et dans son rôle d’expertise pour les différentes fonctions qui se retrouvent autour de la table des Directions.
Christel Lambolez : On les voit toujours, on les imagine comme étant à la botte de la Direction et manque de leadership et de charisme… Est-ce que tu es d’accord avec cela ?
Christophe Leparq : Pour 70% d’entre eux oui, et pour 30% non. Il y a encore des DRH qui jouent ce rôle de conseil et d’influenceur auprès du Comité de Direction
Christel Lambolez : On sait très bien que si leDRH n’applique pas la politique de la Direction, il est licencié ou gentiment remercié…
Christophe Leparq : Tout à fait. Et on a, au Club, un de nos membres qui défend la clause de conscience du DRH !
Christel Lambolez : Comme la clause du journaliste ?
Christophe Leparq : Exactement ! comme les journalistes, pour qu’ils soient justement plus protégés et influents auprès du Président ou du Codir, pour dire la vérité.
Christel Lambolez : Il y a des normes qui existent au niveau international, sur tout ce qui est gouvernance aussi, des normes RH. Est-ce que c’est une branche qui peut se professionnaliser comme une branche d’experts ? J’entends se professionnaliser de manière normative.
Christophe Leparq : Je ne suis pas fan de cette norme. Je considère que dès qu’on commence à mettre dans des boîtes, surtout l’humain, c’est un peu compliqué.
Christel Lambolez : Ces normes pourraient être des garde-fous par rapport justement à cette posture de défense des hommes et des femmes dans l’entreprise et de la porter auprès de la Direction ?
Christophe Leparq : Ça, ce n’est pas au travers de normes. Il y a des lois qui protègent les individus et qui doivent être appliquées. Il y a des employeurs plus exemplaires que d’autres sur certains sujets. Mais je ne pense pas que ce soit au travers de normes où l’on se rend vite compte qu’il faut juste remplir un questionnaire pour répondre à ce qui nous est demandé. Et la réforme de la formation va solliciter les organismes de formation après DataDock pour rentrer dans la norme de ce que souhaite le gouvernement mais ça peut aussi tuer la créativité. Et aujourd’hui, la créativité est un peu le nerf de la guerre. Dans un marché où il y aune guerre des talents, les employeurs doivent imaginer la façon dont ils vont ambiancer leurs ressources humaines. Donc, c’est attirer les talents qui conviennent, bien les former, les informer et les intégrer dans le projet de l’entreprise.
Christel Lambolez : C’est à dire qu’ils doivent être les chefs d’orchestre ?
Christophe Leparq : Tout à fait !
Christel Lambolez : Comment faire pour les faire monter en puissance et développer leur leadership, leur charisme ? Parce que ça dépend aussi des types de profils… On voit maintenant qu’il y a une diversification des profils dans le recrutement des DRH, comment faire pour ce que soit porté plus haut et plus fort ?
Christophe Leparq : Nous, on est convaincu que les DRH doit s’inspirer de la base. Il doit faire le duo avec le Comité de Direction, il doit travailler avec les partenaires sociaux mais il doit aussi s’inspirer de son corps social au sens le plus large. C’est pour ça, que ce soir dans l’animation de focus groupe ou d’enquêtes, qu’il doit récupérer de la matière du terrain pour mieux décider.
Christel Lambolez : Déja, il faut qu’ils soient plus proches du terrain ?
Christophe Leparq : Tour à fait ! Les bons DRH sont ceux qui sont proches du terrain.
Christel Lambolez : Est-ce que la digitalisation des processus RH va permettre de se concentrer sur une valeur ajoutée plus humaine ? Est-ce que c’est possible ?
Christophe Leparq : En tout cas, ça peut permettre de dégager du temps pour effectivement travailler ces sujets de développement des compétences, de management qui sont primordiales aujourd’hui dans les organisations.
Christel Lambolez : On parle beaucoup de management et d’innovation managériale… Qu’est ce que tu en penses ?
Christophe Leparq : Le management, il y a des fondamentaux. Il faut comprendre l’humain, et pour ça, les formations doivent aider les managers à mieux comprendre ce qui se passe dans le cerveau d’une personne, à bien comprendre comment fonctionne une personne et ce n’est pas de la technique. Alors qu’aujourd’hui, les formations en management sont souvent techniques et pas trop sur l’appréhension de la personnalité humaine…
Christel Lambolez : Qu’est ce que tu préconises aux DRH aujourd’hui ? quels sont les axes de travail sur lesquels ils doivent se pencher en priorité ?
Christophe Leparq : Ils les connaissent mais c’est toujours cet adage d’avoir les bons talents et de les former, de les mettre au bon poste en fonction de leurs compétences, avec les bons managers… Mais si j’avais, par contre, une envie pour cette prochaine décennie, ça serait qu’ils soient encore plus militants et encore plus engagés dans les réformes qu’il peut y avoir, notamment gouvernementales. Et je trouve que les DRH ne sont pas assez sollicités pas nos gouvernants. Et donc, il faudrait qu’ils œuvrent un peu plus dans le lobbying pour que quand les lois sortent, elles soient applicables.
Christel Lambolez : Pourtant, il y a une DRH qui est Ministre du Travail à l’heure actuelle…
Christophe Leparq : Muriel Pénicaud a effectivement été DRH avant d’être Ministre du Travail. Mais je crois que quand on oeuvre dans ces organisations gouvernementales, on oublie un peu le terrain. Et c’est ce qu’on disait à l’instant, il faut être proche du terrain. Et on voit aujourd’hui qu’avec la réforme de l’épargne salariale, on a changé tous les noms des dispositifs de l’épargne salariale : je n’arrive pas à comprendre les raisons qui ont poussé le gouvernement à changer cette terminologie que les salariés avaient déjà du mal à appréhender…
Christel Lambolez : Pour toi, ça manque de clarté, de transparence ? on n’arrive plus à s’y retrouver, on rentre dans une nouvelle complexité ?
Christophe Leparq : Voila ! Et le DRH doit être tout sauf prôner la « RHrie » : c’est les RH pour les RH. Non. On fait des RH pour que les gens soient bien au travail, se sentent bien dans leurs missions et soient performants.
Christel Lambolez : Merci beaucoup Christophe d’être venu témoigner !
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