Le Club DéciDRH organisait le 19 mars dernier la deuxième édition du colloque OUTSOURCING RH. « Un sujet au coeur des préoccupations des DRH», nous rappelle en préambule Christophe Leparq, fondateur du Club DéciDRH, qui ajoute « Le monde change de plus en plus vite, les méthodes et les personnes aussi. Les process et les techniques RH sont importants, mais il ne faut pas oublier qu’ilsdoivent être conçus dans le but de servir la stratégie de l’organisation. »
Propos introductifs du Président
Christophe demande ensuite à l’amiral Lajous, président du Club DéciDRH, élu DRH de l’année 2012 et Président de la Société Nationale de Sauvetage en Mer à partir de mai 2013 de « planter le décor puisque nous sommes dans la maison de l’horticulture ! ».
Pour Olivier Lajous, il est primordial de se demander d’abord pourquoi externaliser. « L’outsourcing est une action stratégique qui permet aux organisations de se concentrer sur leurs domaines de compétences. On
constate souvent qu’on arrive mieux à maîtriser un prestataire externe que ses propres équipes. L’externalisation permet aussi un contrôle des coûts ». Les risques ne sont pas à sous-estimer : « Le premier risque à anticiper est la perte de confidentialité. Il faut également aider le prestataire à comprendre la culture et les valeurs de l’entreprise. Tous les risques et avantages doivent être mis en balance avant de démarrer un projet d’outsourcing. Le contrat doit être rédigé de façon précise sur les performances attendues et un plan de sortie d’externalisation en cas de mauvais résultats doit être prévu. »
A la Marine Nationale l’Amiral Lajous a lancé un chantier d’externalisation d’une grande partie de la formation. « C’est un projet de plusieurs années. Une vision globale favorise la mise en place d’une architecture externalisée où chacun trouve son compte. »
Etat de l’art des pratiques d’outsourcing ou de CSP
Christian Serieys, Président de la commission BPO, European Outsourcing Association, est un des pionniers de l’audit informatique en France. Il s’intéresse à l’externalisation depuis les années 80 et accompagne des dirigeants et des entreprises dans leurs projets de changements. Le rugby est son autre passion : il est président de LARGE : Ligue des Anciens Rugbymen des Grandes Ecoles. Christian Serieys sera l’animateur de la journée. « Le président nous a tracé le cap et nous a prévenu des tempêtes qui peuvent nos engloutir dans un projet d’externalisation » lance-t-il en introduction avant d’établir un parallèle entre externalisation et rugby « On ne peut gagner que si on passe le ballon à un partenaire mieux placé. » Il nous livre ensuite le petit glossaire de l’outsourcing : BPO (Business Process Outsourcing) : délégation de fonctions ou processus de l’Entreprise à un
fournisseur indépendant qui, sur une durée pluriannuelle, gère le fonctionnement, la performance et l’évolution des fonctions ou processus sélectionnés en s’engageant sur un objectif de résultats mesurables et prédéfinis.
Le cloud computing ou informatique dématérialisée : Les entreprises ne sont plus propriétaires de leurs serveurs informatiques, mais peuvent accéder à des services en ligne sans avoir à gérer l’infrastructure sous-jacente. Les applications et les données ne se trouvent plus sur l’ordinateur local, mais dans un nuage (« cloud ») composé d’un certain nombre de serveurs distants interconnectés. L’accès au service se fait la plupart du temps un navigateur Web. Multi sourcing : Stratégie de sélection de plusieurs fournisseurs pour répondre à des impératifs stratégiques. Nearshore : la prestation est réalisée sur un même continent dans un pays proche de celui de l’entreprise cliente, à un coût inférieur.
Offshore : la prestation est réalisée dans un pays éloigné de celui de l’entreprise cliente, sur un autre continent, à un coût très inférieur.
Onshore : la prestation est réalisée dans le même pays que celui de l’entreprise cliente.
Réversibilité : Capacité à reprendre en interne les fonctions externalisées, ou à les transférer à un autre prestataire dans le cadre d’une reprise de contrat. Dans le contrat d’externalisation, elle doit faire l’objet d’une clause spécifique.
CSP : Centre de service partagé ou mutualisé au sein d’une entreprise qui centralise pour le compte de plusieurs clients la gestion d’un certain nombre de processus.
Christian Serieys nous présente ensuite Bernard Just, DSIRH du groupe Alliance, co-fondateur en 2011 de l’Observatoire SIRH, Professeur à France Business School, au CNAM et à l’ISC, passionné de montagne et de photographie ! L’Observatoire SIRH mène des enquêtes annuelles et organise des événements afin de favoriser l’émergence des pratiques et les échanges sur le savoir-faire.
« Aujourd’hui environ 80% des DSIRH sont rattachés à la DRH, alors qu’avant ils dépendaient de la DSI » nous informe Bernard Just, qui nous liste les avantages et inconvénients d’une externalisation : « L’organisation se recentre sur son coeur de métier RH et bénéficie des compétences spécialisées du prestataire pour une meilleure qualité de service et une réduction des coûts internes. La facture mensuelle permet un meilleur contrôle des coûts. Mais l’externalisation peut entraîner une perte de maitrise et de savoir-faire de la fonction et la relation avec le fournisseur connaître des désaccords au cours du projet. Les coûts externes peuvent paraitre élevés. Attention, tous les domaines ne sont pas externalisables, comme la gestion des voitures de fonction ou des salaires des dirigeants. »
Les facteurs clefs de succès résident dans la qualité du cahier des charges et la mise en place d’un comité de pilotage en charge de suivre l’activité du prestataire et assurant la fonction de maitrise d’oeuvre. La direction doit être impliquée et un plan de communication être déployé auprès des collaborateurs. « Les freins sont avant tout culturels », indique Bernard Just. « Un projet d’externalisation génère des réactions de crainte de la part des collaborateurs concernés, qu’il ne faut pas sous-estimer. Le devenir de ces collaborateurs doit être inclus dans le process en amont. Par ailleurs l’entreprise doit veiller à ne pas tomber dans la dépendance vis-à-vis du prestataire et le challenger régulièrement. »
Savoir gérer la réversibilité représente le point de vigilance à traiter et à inclure dans le contrat, ainsi que la surveillance des coûts ponctuels liés aux demandes hors contrat qui gonflent la facture mensuelle. Un plan B doit être prévu dans le cas où le prestataire ne peut plus assurer sa mission. Comment réussir une externalisation ? Quelle gouvernance ? Quels process? Quels outils? Quels moyens de contrôle ? Marine Routeau, directrice commerciale chez NORTHGATEARINSO, spécialiste en conseil RH et dans la mise en place de solutions RH et présent dans 35 pays avec 8000 collaborateurs, constate : « Nos clients externalisent des fonctions consommatrices de temps et à faible valeur ajoutée afin de pouvoir se recentrer sur des actions stratégiques comme la gestion et la détection des talents. Les RH estiment que 60% de leurs activités sont consacrées à des tâches administratives, contre 10% à des activités stratégiques ! ». D’autres raisons d’externaliser sont évoquées par les clients : « La paye est souvent contrôlée par peu de personnes, ce qui fait courir un risque à l’entreprise en
cas de départ ou d’indisponibilité du responsable paye. L’externalisation élimine ce risque. Par ailleurs, il est souvent plus facile de demander des comptes à un prestataire externe qu’à un collaborateur interne. »
Le modèle le plus courant en France est le « payroll processing » : l’externalisation de la paye. Le niveau 3 : « comprehensive outsourcing » constitue un choix radical puisqu’il entraine parfois la suppression du service paye et administration du personnel. Ce modèle est très peu usité en France. Les facteurs de succès : « On ne peut externaliser que ce que l’on maîtrise » prévient Marine Routeau. « Les difficultés en interne ne seront pas résolues par une externalisation de l’activité. Il faut choisir le bon modèle et garder en interne les activités jugées sensibles. L’entreprise doit également s’assurer de l’implication des équipes durant le projet. » Nicolas Borgel, DSIRH, explique le modèle en vigueur chez AkzoNobel, leader mondial en peinture, vernis et produits chimiques, qui regroupe 50 000 personnes répartis dans 80 pays. La France compte 2 200 collaborateurs pour une dizaine de sociétés. AkzoNobel est organisé en CSP : l’entreprise comprend une organisation RH centrale qui gère les 10 sociétés du territoire Français. Un HR Business Partner basé en local complète cette structure. « Avant tout démarrage de projet, il faut se poser les bonnes questions : quelles fonctions est-ce que je veux externaliser : le développement, le paramétrage, le service ? Cela dépend du contexte. Quand un process est mature, avec une
évolution régulée, l’externalisation sera possible et bénéfique. Elle devient très difficile si le process en interne est flou et mal géré. Avec l’externalisation, on sait combien on paye, mais pas toujours ce pourquoi on paye ! » indique Nicolas Borgel.
« L’externalisation entraîne une perte d’autonomie et de réactivité. Le changement a un coût aussi, et il faut faire attention aux coûts ponctuels qu’on ne maîtrise pas, surtout si on n’a pas les compétences en interne pour challenger le prestataire. »
Alain Delboy est Directeur Administratif Gestion du Personnel au sein de la Direction des Relations et du Développement Social d’Air Liquide, leader mondial des gaz pour l’industrie, la santé et l’environnement. Le groupe comprend 50 000 collaborateurs répartis dans 80 pays. La France compte 11 000 collaborateurs basés dans 60 sociétés et gérés par 20 systèmes de paye ! Ingénieur des Travaux Publics et passionné de tennis et de la
conduite du changement, Alain Delboy témoigne à son tour : « Notre organisation est une mosaïque de structures comprenant plusieurs niveaux et nous devons trouver une cohérence pour cette multitude de besoins. La conduite du changement consiste à passer d’une harmonie à une autre. Il faut toujours être dans la dynamique
de reconstruire un équilibre qui est éphémère, surtout dans les domaines de la paye et du SI qui évoluent très vite.» Air Liquide a lancé plusieurs actions d’externalisation au niveau du SIRH, et est en train de mettre en
place un CSP paye en bonne voie de réalisation. Pour réussir un projet selon Alain Delboy, « une stratégie RH claire est indispensable, ainsi que des sponsors au bon niveau hiérarchique qui imposent des décisions au moment opportun. On n’externalise ni un service trop organisé car le retour sur investissement sera faible, ni un service désorganisé car les leviers de mise en oeuvre seront insuffisants. Il est primordial d’évaluer les gains et les pertes en prenant en compte les évolutions qui constituent le principal gisement de rentabilité des prestataires. »
A ces critères s’ajoutent la constitution d’une équipe pour définir le cahier des charges, un accompagnement des
collaborateurs concernés, une bonne communication autour du projet et la signature de contrats de service mixant bien la qualité de l’information donnée au collaborateur et le délai de réponse.
La dématérialisation des process et des outils : une condition nécessaire à une externalisation réussie
Nathalie Choyer, Directrice Partenaires de la Poste, présente Digiposte, solution de dématérialisation pour les salariés lancée il y a deux ans par la Poste afin de transposer son métier dans le domaine du numérique. « La dématérialisation des documents RH apporte une solution moderne, en phase avec les attentes des collaborateurs qui utilisent des outils numériques dans leur vie privée. Digiposte met à disposition des collaborateurs un coffre-fort numérique sécurisé, dans lequel ils peuvent classer leur documents RH, mais aussi des documents privés, partageables avec des organismes tiers selon les besoins. » Plus de 150 entreprises utilisent la solution
Digiposte « qui corrobore la stratégie numérique des organisations ». Nathalie Bansais, Chef de projet de Systalians, GIE informatique de REUNICA, passionnée de lecture et voyage et Laetitia Roca, Chef de projet conduite du changement, DRH de REUNICA et semimarathonienne (en 1h54 !) ont mis en place Digiposte chez Réunica. « La dématérialisation nous permet de réduire le coût du bulletin de paye de 0,70 à 0,40 centimes » signale Nathalie Bansais. « Cette démarche contribue à améliorer l’image de l’entreprise en externe car elle est écologique, et en interne pour son côté innovation des processus RH. Elle constitue un véritable service pour le
collaborateur qui peut stocker de façon sécurisée jusqu’à 3 Go de documents personnels. Réunica proposait déjà cette solution à ses clients avant de la mettre en oeuvre en interne ! » La solution a été lancée sur une population pilote d’informaticiens, avec l’objectif de la généraliser à l’ensemble de la population Réunica. La Poste garantit une pérennité des documents d’une durée de 50 ans.
« Tous les projets stratégiques comprennent un volet accompagnement du changement chez Réunica afin d’anticiper les impacts sur le collaborateur et ses réactions » précise Laetitia Roca. « Cela permet d’analyser les cibles prioritaires et de mettre en place des actions adéquates. Pour ce projet, les DP ont été identifiés en tant que relais de communication auprès des collaborateurs, de même que les membres du CE, les managers et les collaborateurs du service paye, dont le rôle de conseil est important. Nous avons conçu avec Digiposte des supports de communication et des vidéos d’explication destinées à ces populations. Cela nous a permis d’obtenir un bon taux d’adhésion à la solution : 50%. »
« L’élément coffre-fort est prédominant : le fait de pouvoir l’utiliser pour des documents personnels est très accrocheur » ajoute Nathalie Bansais.
« L’exemplarité a également été un moteur : le DG de Systaliance a envoyé un message à tous les collaborateurs en précisant qu’il allait s’abonner » conclut Laetitia Roca.
LES PPP : Partenariat Public Privé : l’exemple de BALARD
Avantages, facteurs clefs de succès et écueils d’un projet d’externalisation de grande envergure Dominique Bonnet, Numéro 2 du Service parisien de soutien de l’administration centrale (SPAC) qui compte 1 200 agents, se dit fier de représenter le secteur public au sein du colloque ! Le SPAC a pour mission d’apporter la cohérence au service de l’administration centrale via trois axes : le soutien général (Service à la personne, entretien des Infrastructures,…), le soutien en matière de ressources humaines et le soutien métier.
Le Projet BALARD (regroupement du ministère de la défense sur le même site) intègre trois composantes : la Cité de l’Air, le futur site de BALARD, et la corne ouest dont les locaux seront loués. Dans le cadre de ce projet, le SPAC est responsable de l’exécution du contrat pour tous les aspects financiers, réglementaires et contractuels. Il assure une coordination de l’action des différents opérateurs de soutien sur le site et réalise le soutien général. Le SPAC est aussi responsable du bon déroulé du déménagement : 9 000 agents à déménager pendant 3 mois, à raison de 100 par jour.
« Le projet BALARD implique une manoeuvre RH d’ampleur » précise Dominique Bonnet. « 350 postes dépendant du soutien général vont être supprimés dans ce regroupement en raison de la disparition des différents sites. Trois directions de sites comprenant des cadres, des spécialistes et des techniciens vont fermer. Certains techniciens pourront être conservés, mais pas la totalité. »
Le SPAC anticipe les actions de restructuration en menant une analyse fine métier par métier, afin de définir quelles compétences pourront être gardées ou redéployées. Certains métiers (peintres, menuisiers) seront
difficilement ‘restructurables’. « Nous avons mis en place un PAR : plan d’aide aux restructurations » indique Dominique Bonnet. « Ce PAR comprend un accompagnement spécialisé et un appui humain, avec une implication forte de la direction et la participation d’organismes extérieurs : médecins de prévention organisations syndicales ».
Optimisation des processus métiers : deux exemples de sourcing et de multi-sourcing
Optimiser la gestion de talents et anticiper les besoins en recrutement Nazanin Nezam, Directrice produit France et Europe du sud et Guillaume Pontnau, Directeur commercial France (et champion de pelote basque !) représentent MONSTER, acteur majeur du recrutement en ligne. « Une étude commanditée auprès du CXP et menée en janvier et février 2013 auprès de 530 professionnels de la fonction RH nous montre que les principaux
problèmes rencontrés par les recruteurs sont : le temps, les coûts, les sources multiples et le volume des données » révèle Guillaume Pontnau. « Ils attendent donc pour les aider une informatisation des processus, l’optimisation des sources, et le développement de la GPEC. » Le big data en termes de recrutement se traduit par des sources de données et des CV supplémentaires à étudier. Pour Guillaume Pontnau, « l’exploitation des données devient un enjeu stratégique majeur car le volume des données ne va pas cesser d’augmenter. Le recrutement doit faire face à ce phénomène de big data. Tout l’enjeu de la technologie et de l’outsourcing est de raccourcir le processus de recrutement en optimisant la recherche, la lecture du CV et le matching». Une étude McKinsey de mai 2012 montre que le cloud est une tendance technologique clef dont les dirigeants attendent beaucoup de changement. « Les CV seront mieux exploités mais pas le matching qui pour être amélioré doit être analysé par une technologie sémantique extrêmement développée, capable de remplacer un recruteur » constate Nazanin Nezam. « En optimisant le processus analytique des viviers des entreprises, on transforme le problème du big data en connaissance, et on dégage du temps pour des tâches à valeur ajoutée. C’est pourquoi Monster, avec sa solution SeeMoreTM, a investi dans la recherche sémantique et le cloud pour aider le recruteur à aller plus vite dans le tri et la lecture des CV.»
La solution s’adresse à des entreprises possédant des milliers de CV, mais qui, n’ayant pas les moyens d’exploiter ce trésor de guerre, sont obligées de faire appel à un cabinet de recrutement pour rechercher un candidat. La solution SeeMoreTM représente un projet d’externalisation technologique. Monster prend en charge le paramétrage, mais l’entreprise garde le processus de recrutement.
Le processus formation : les différents degrés d’externalisation, la mise en place de partenariats (experts et organismes administratifs) favorisant le retour sur investissement
Christian Serieys présente ensuite Michael Vautier, Directeur du Développement des RH et de la Communication interne chez CIMENTS CALCIA ITALCEMENTI GROUP. Il adore les voyages et rêve d’aller dans l’espace…
Italcementi Group est le 5ème cimentier au niveau mondial et compte 19 000 salariés répartis dans 53 cimenteries. Le groupe est présent dans 22 pays. L’effectif dans la région France-Belgique s’élève à 3950 salariés dont 600 cadres, régis par 5 conventions collectives, et rattachés à 3 OCPA. Le métier spécifique d’Italcimenti nécessite un processus de formation optimisé et continu pour avoir des ouvriers opérationnels rapidement et entretenir la bonne marche des usines. Le groupe a lancé à partir de 2007 un projet d’externalisation de la formation après avoir constaté que les nombreuses équipes formation passaient la majeure partie de leur temps à des tâches administratives et logistiques (réservations de salles ou d’hôtels, envoi de conventions, suivi de la réglementation,…) au détriment d’actions plus stratégiques sur les contenus et les financements des formations.
« L’externalisation s’est faite de façon progressive », précise Michael Vautier.
« Nous avons adopté une approche spécifique adaptée à la culture et aux pratiques de chacun des 30 sites. Nous avons développé notre relation avec Demos pour arriver à un véritable partenariat et nous avons veillé à maintenir un bon niveau de dialogue social sur ce sujet crucial pour notre métier. » Demos a pris en charge la gestion administrative et logistique, le montage des dossiers de financement en lien avec les OPCA, les reportings internes et sociaux et la mise en place d’études. Les équipes formation d’Italcementi ont pu se recentrer sur des axes stratégiques comme l’évolution des métiers, l’anticipation des transformations, l’optimisation des coûts, le développement du elearning. Les responsables formation ont pris une place plus présente auprès des managers
opérationnels. « Le Bilan est très positif » poursuit Michael Vautier, « nous avons optimisé le processus en externalisant des tâches à faible valeur ajoutée et en assurant 10% des coûts pédagogiques par des financements OPCA, nous l’avons sécurisé grâce à la mise en place de plans qualité de service et de normes Iso, et nous l’avons professionnalisé en développant notamment les équipes RH-Formation. »
Comment la responsabilité sociétale de l’entreprise peut s’intégrer dans une logique de partenariat externe ?
Politique handicap, diversité Christian Serieys nous présente Soumia Belaidi Malinbaum, Directrice du Développement de KEYRUS, Présidente d’honneur de l’AFMD (Association Française des Managers de la Diversité), engagée depuis 10 ans dans la lutte contre les discriminations et coureuse de semi-marathon ! « Nous avons créé l’AFMD pour faire entrer la diversité dans les entreprises » indique Soumia Belaidi Malinbaum, « et lutter contre toutes les discriminations liées à l’origine, au sexe, à la religion ou au handicap en revoyant l’ensemble des process RH. Un label Diversité a été créé, décerné par un collège présidé par l’État». Pour elle, la responsabilité sociale des entreprises doit s’étendre aux parties prenantes de l’entreprise, et s’appliquer aux démarches de recrutement et d’achats vis-à-vis des sous-traitants. « Les entreprises recrutent moins qu’elles ne sous-traitent », précise-t-elle. « Nous avons formé avec le CDAF (Compagnie des Dirigeants et Acheteurs de France) une commission Diversité des fournisseurs, afin d’inciter les directions Achats à adopter une démarche éthique et responsable dans le choix des fournisseurs. Les services Achats doivent appliquer dans leurs actions la dimension RSE prônée par leur entreprise. Nous avons voulu mettre en tension les directions Achats au même titre que les autres directions, en leur demandant de rendre des comptes par rapport à la lutte contre les discriminations chez les fournisseurs et sous-traitants qu’elles sélectionnent». Dans le cadre de sa société Keyrus, Soumia Belaidi Malinbaum a proposé le développement d’un outil de pilotage et de reporting de la diversité à implémenter dans les SIRH afin de mesurer la politique de diversité des entreprises et d’en analyser les progrès. Elle souhaite mettre en place une version élargie de cet outil BI diversité en incluant les sous-traitants, partenaires et fournisseurs de l’entreprise.
Antonella Desneux, Directrice du Développement Durable, de la Citoyenneté et de l’Innovation Sociétale chez SFR prend le relai et présente SRF en quelques chiffres : 2ème opérateur télécom en France, le groupe compte 21 millions de clients mobiles, 5 millions de clients fixes et 165 000 clients entreprises et collectivités. Son effectif est de 10 000 collaborateurs répartis en 6 régions et 16 sites. « Comment renforcer la politique diversité en s’appuyant sur un partenaire externe ? » interroge Antonella Desneux. « Les entreprises ont tendance à recruter dans les mêmes moules, ce qui entraîne un effet de clonage. Nous avons décidé de renforcer notre politique diversité en matière de recrutement en nous appuyant sur un partenaire externe appelé Mozaïk RH. Grâce à son action, nous
avons pu rencontrer et recruter des jeunes de banlieue. 66% d’entre eux, selon leurs propres dires, n’auraient jamais osé postuler chez SFR sans l’intervention de Mozaïk RH, de peur de ne pas être les bienvenus ! Cela nous a fait un choc de découvrir cela, et démontre bien que les entreprise ne doivent pas rester enfermées dans des schémas. » Cette action d’externalisation dure depuis quatre ans et a permis le recrutement de 65 jeunes. Ce partenariat gagnant-gagnant a changé l’image de SFR auprès des jeunes et le regard des recruteurs et des managers sur ces jeunes tout en donnant de la crédibilité à Mozaïk RH. « L’externalisation est un levier de la politique RSE de l’entreprise », affirme de nouveau Antonella Desneux. « Dans le cadre de la construction du nouveau siège de SFR à Saint Denis, nous avons demandé aux fournisseurs et sous-traitants liés à ce projet de s’engager par écrit sur des solutions intégrant le secteur protégé, l’insertion et les acteurs locaux. Les prestataires sont choisis sur ces critères».
Question dans la salle : comment le département achat vous a-t-il accompagné ?
« Le premier bastion dont je me suis occupé en 2007 étaient les Achats », répond Antonella Desneux. « Il a fallu les convaincre que se prémunir des risques avaient un intérêt pour eux. Les acheteurs ont été formés aux principes de protection, puis nous les avons sensibilisés aux secteurs protégés. Il n’est pas aisé de demander à un service Achats de changer de fournisseur ! La réussite s’est concrétisée lorsque le DG finance a pris cet objectif dans son bonus. »
Les enjeux juridiques et sociaux
Paul-Henri Antonmattei, Associé au sein du Cabinet BARTHELEMY AVOCATS annonce qu’en matière de diversité, il est fier de représenter la Corse ! « Pour paraphraser le slogan du club DéciDRH, je dirais que l’outsourcing est un sujet beaucoup trop sérieux pour être confié à des juristes ! » s’exclame-t-il avant de continuer : « Les magistrats n’apprécient pas trop les opérations d’externalisation, souvent associées à des sorties de personnel, sauf celles effectuées au sein de sociétés d’un même groupe car les salariés gardent leurs droits et
avantages. » Il nous cite l’exemple de Perrier qui a voulu externaliser l’activité de transport de ses bouteilles sur
palette en la confiant à un prestataire : La Palette Rouge. Les équipes devaient être transférées en même temps que l’activité. Le CE a refusé que le personnel concerné quitte Perrier pour devenir Palette Rouge et la cour de Cassation a tranché en indiquant que le transfert ne pouvait pas être imposé. « Quand nous sommes sollicités sur des opérations d’outsourcing, nous commençons par mettre en place des ‘warnings’, car une externalisation d’activité ne réussit que si on met en oeuvre les moyens d’opérer les transferts au niveau social. Les représentants du personnel doivent être intégrés en amont dans le projet, afin de négocier le statut des salariés qui seront transférés. On ne met pas au pied du mur les salariés. Un travail de conviction et de persuasion doit être effectué », insiste Paul- Henri Antonmattei.
Pourra-t-on avoir demain une entreprise constituée uniquement de travailleurs indépendants et de sous-traitants, et sans plus aucun salarié car on aura poussé la logique de l’externalisation à son extrême ? « Je n’y crois pas ! » affirme avec force Paul-Henri Antonmattei. « L’entreprise représente une cellule sociale dans notre société moderne et le système juridique des relations de travail est bâti sur une entreprise composée de salariés ».
« L’externalisation et le statut des sous-traitants est un meltingpot juridique » ajoute-t-il. «Le droit du travail n’a pas pris en compte la problématique managériale de l’externalisation de l’activité et se base sur d’anciens schémas». Pour lui, il faut convaincre les partenaires sociaux d’appréhender à bras le corps la question d’externalisation. La pluralité des formes juridiques des travailleurs au sein de l’entreprise est une réalité et il faut donner à cette situation une sécurité juridique. Mais ce n’est pas le législateur qui le fera. « Le salut ne viendra que du peuple ! » tonne Paul-Henri Antonmattei. « Une action de nature collective doit être menée. Les entreprises ont la responsabilité de mobiliser les organisations patronales et de leur demander de moderniser les statuts. » La relation binaire employeur/salarié côtoie désormais la relation triangulaire dont relève l’externalisation. « Aujourd’hui on procède à des opérations d’externalisation, dont l’accompagnement ne se déroule pas toujours confortablement. L’externalisation a sa place et s’avère utile économiquement et socialement mais il faut l’organiser et lui donner droit juridique. L’externalisation pose aussi la question du maintien des statuts collectifs. Lorsqu’il y a changement, l’important est d’éviter les déserts conventionnels. Les DRH doivent prendre leur bâton de pèlerin afin de donner de la sécurité et de la crédibilité à ces opérations. »
Conclusion du Président
Laissons le mot de la fin à Olivier Lajous : « Merci à nos intervenants qui ont brillamment illustré les aspects techniques et RH de l’outsourcing tout au long de cette journée. Nous sommes engagés dans une grande mutation et sommes aussi bousculés que nos ancêtres de la Renaissance. La numérisation change notre rapport au temps, à l’autre et à l’espace. N’ayons pas peur de nous parler et d’échanger. Ne restons pas dans le ‘tout technique’ et ne transformons pas les RH en technocrates. Nous, DRH, mais aussi juristes, sociologues, philosophes, devons être capables de nous mobiliser pour proposer de nouvelles solutions aux patrons et aux syndicats, tout en gardant l’humain au coeur de l’entreprise. »
Merci à tous !