Mieux gérer les savoirs, c’est peut-être le grand défi qui est lancé à notre société du XXIe siècle. Pour les gouvernements d’entreprises, les savoirs deviennent une ressource à part entière et vont exiger désormais d’être considérés comme tels. Dans la prise en compte de la complexité, l’entreprise, pour affronter les aléas, l’instable, la compétitivité, est désormais contrainte de modifier son type de management des savoirs. Il s’agit en effet de projeter l’entreprise face à ses enjeux stratégiques futurs, tout en regardant avec attention les échéances des perturbations démographiques annoncées.
Une des premières retombées de nos travaux de recherche/action autour de l’analyse des risques en terme de perte de savoirs, éclaire les enjeux d’une gestion des parcours d’intégration et de professionnalisation. Chaque organisation se doit de poser les principes directeurs de sa gestion des savoirs :
- préparer chaque personnel à « savoir agir »
- permettre l’acquisition des savoirs pour agir
- identifier les cartographies de savoirs nécessaires par mission, par poste
- mettre à disposition des personnels toutes les ressources pour garantir leur employabilité
- contractualiser des parcours d’intégration et de professionnalisation individuellement
- manager les divers moments d’apprenance autour de situations problème contextualisées pour chaque personnel
- proposer et préparer des situations significatives professionnelles réelles à maîtriser en contexte
- proposer une taxonomie dans les difficultés d’acquisition et de mise en oeuvre de savoir agir
- présenter toute la complexité des contextes d’action des activités du poste
- proposer un véritable accompagnement formatif
L’intérêt de professionnalisation doit devenir conjoint. En effet, employeurs et employés ont tout à gagner à une contractualisation de parcours. L’enjeu est désormais de préparer les lignes managériales afin qu’elles soient en capacité de gouverner le savoir. Les situations professionnelles doivent constituer le terreau du développement de savoirs agir. En réalité, les managers de proximité doivent organiser un cadre d’actions formatives, préparer et mettre à disposition toutes les ressources pour permettre cette prise de recul des acteurs impliqués. C’est une double visée que de penser la formation autour de l’action. Dans un premier temps permettre que l’acteur formé soit en capacité de mobiliser les bons savoirs et de réussir à poser l’acte, la solution juste en toute efficacité. Puis, dans un deuxième temps, rendre conscients les acteurs des ressources incorporées qu’ils mobilisent pour agir, de la combinatoire de savoirs réalisée, des enjeux contextualisés, des réseaux interpellés.
Professionnaliser, c’est prendre conscience, en tant que manager, que chaque personnel devra être confronté à une multitude de situations professionnelles significatives afin d’acquérir la faculté à transposer en situation nouvelle. Toutes ces situations formatives vont constituer pour l’acteur formé, une banque de schèmes opératoires réussis, qu’il pourra interpeller comme référence pour agir. C’est pour cela que chaque organisation doit prendre très au sérieux les parcours d’intégration, comme un moment de construction de savoirs agir. Les managers ont la responsabilité de mettre à disposition les bonnes ressources, d’accompagner chaque personnel à s’approprier les savoirs nécessaires pour résoudre toutes les activités clés du poste et des missions à tenir. Faut-il encore que les activités clés aient été identifiées et cartographiées pour en faire des actions formatives en contexte. Animer et contractualiser des parcours professionnels pour la prise d’un poste et de missions demandent une maîtrise de la cartographie des savoirs à mobiliser dans un contexte donné. Le professionnel, c’est cette femme ou cet homme qui aura incorporé tous les savoirs indispensables à son contexte professionnel et technique, et qui par de nombreuses fois aura combiné toutes ses ressources et déclenché le savoir agir adapté. C’est bien quand les savoirs seront devenus tacites et inconscients à leur mobilisation que l’on pourra dire qu’une personne est experte. Ceci pointe toute la difficulté des seniors à transmettre , tant les schèmes opératoires incorporés sont nombreux, rendus automatiques, invisibles à son porteur.
D’autres mesures semblent se dessiner au regard de nos futurs travaux. Initier, favoriser, gérer les passerelles intergénérationnelles sera sans nul doute une des pratiques managériales qu’il sera utile d’outiller pour le futur. Animer le dialogue social au plus prêt des terrains d’action en mobilisant les pilotes métiers peut avoir un sens tant pour les managers que pour les personnels. Prendre en compte les facteurs de diversité dans l’environnement professionnel est considéré comme un facteur primordial dans l’efficacité de l’entreprise et de leur collectif de travail. La confrontation à la diversité, à l’étrangeté est une démarche incontournable pour garantir par le futur une bonne gestion des ressources humaines. Il faudra initier puis former toutes les lignes managériales à animer les populations « patchwork » composant les organisations de demain.
Pour conclure, la multiplicité des travaux engagés tend à montrer que la maîtrise de l’immatériel constitue un élément essentiel dans l’élaboration des stratégies de chaque organisation et une des sources majeures de la performance . La gouvernance des savoirs doit devenir une réflexion stratégique pour tous !
Michel Lebelle, ingénieur cogniticien, expert en Innovation RH et formateur Adesidées.
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