Nous évoluons dans un environnement avec de profondes mutations : mondialisation des marchés, internationalisation des entreprises, fusion-acquisition, changements de stratégies et de dirigeants, situation de crises (financière, économique et sociale), restructurations permanentes, augmentation des PSE, révolution du numérique, crise de confiance envers les élites, développement d’un individualisme rampant, etc. …
Dans ce contexte, les fonctions RH ont de plus en plus leur importance. Car dans ce monde difficile, elles se doivent d’être porteuses de sens. En effet, on assiste souvent à une rupture entre la direction générale et les salariés. Ces derniers – pour une grande part – disent ne pas comprendre ce que les directeurs leur demandent. On voit augmenter les cas de burnout, d’harcèlement moral, de conflits avec les hiérarchiques ; à ce titre, je dis qu’il faut que les DRH se préoccupent de l’exercice du management, un thème à investir ou à réinvestir.
Étymologiquement, manager est l’art de gérer les affaires domestiques et le ménage de manière judicieuse. Pour ma part, je considère qu’il n’y a pas un style de management meilleur que les autres, ni de responsable idéal. On manage par rapport aux collaborateurs : certains ont besoin d’autorité, qu’on leur donne des consignes et des directives ; d’autres se contentent d’une mission, d’un objectif et on leur laisse une large marge d’autonomie. Et puis notre style varie selon la situation, les projets, les missions. Dans une restructuration, on sera directif, si l’on mène des réflexions stratégiques, on sera plus participatif. Le manager est ainsi – je le crois – tour à tour autoritaire, paternaliste, consultatif, collaboratif.
Si je prône que les RH doivent se préoccuper plus du management, ce n’est pas pour le style, mais en raison des changements, des réorganisations, des conséquences sur la qualité du travail, l’équilibre et la santé des employés.
On constate en ce moment beaucoup d’hérésie. Premier exemple, la direction par objectifs initiée dans les années cinquante par Peter Drucker. Rien de plus rationnel que de fixer des buts à un collaborateur. Comme le disait Sun Tzu « Celui qui n’a pas d’objectif, ne risque pas de les atteindre ». Le management par objectifs nécessitait initialement une négociation/concertation sur la nature, le niveau de ces derniers ainsi que sur les méthodes pour les atteindre. Aujourd’hui, il n’y a plus de discussion sur le niveau des objectifs et encore moins sur les méthodes et les moyens pour y parvenir. On voit plutôt un excès de paperasseries, de survalorisations d’objectifs quantitatifs qui viennent d’en haut souvent et principalement chiffrés. D’ailleurs, on ne parle plus du « comment faire » du management du travail, et certains employés sont perdus et ne voient pas de quelle manière y arriver.
Deuxième hérésie. Le benchmark individuel qui s’inspirait de ce que font les autres, les meilleurs de la classe, est un principe vieux comme le monde. Évitons de réinventer l’eau tiède. Mais le benchmark a du sens lorsque l’on compare des sociétés avec d’autres, des usines avec d’autres qu’elles soient concurrentes ou internes. Mais cet outil est devenu pour quelques-uns un mode de gouvernance qui crée de la concurrence entre équipes et individus entrainant différents types de questions, de comportements de petits chefs focalisés sur leur bonus, leur évaluation. C’est cela que je condamne lorsque ce ne sont plus les unités qui sont comparées mais les performances des hommes entre eux.
Enfin, le management de proximité. Il est vital mais ce premier niveau de conduite est actuellement empreint de difficultés : contradictions dans les messages, problèmes d’identité de reconnaissance, pas de marge de manœuvre, des missions qui se sont simplifiées au fil du temps. Redonnons une part de « rare » à ce manager de proximité, laissons-lui assurer son rôle de soutien, de régulation, de support de ses salariés et ne le bornons pas dans le reporting ou la réunionite.
Si je dis ça c’est parce qu’il faut éviter que l’on s’en inquiète lorsqu’il y aura un drame, des difficultés dans une organisation. Il faut que la fonction RH réinvestisse ce problème de gestion car c’est essentiel. Cela veut dire intervenir pour stopper les hérésies que j’ai citées mais également sanctionner les harceleurs, les pervers, les discriminants ; expliquer, montrer le rôle du dirigeant qui est là pour faire grandir les salariés, pour leur permettre de se développer, pour renforcer leur employabilité. Arrêtons de nous prêter à ce jeu de petits ou grands chefs qui viennent nous voir, DRH, en disant « Je n’ai que des nuls, virez-les ! ». En clair, il faut s’engager avec courage et pragmatisme ! Pour finir, je citerai Henri Ford : « Les deux choses les plus importantes qui n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise : sa réputation et ses hommes. »
Jean-Luc Vergne
Jean-Luc Vergne est membre du comité de pilotage du Club DéciDRH. Ancien DRH de grands groupes français (Sanofi, Elf Aquitaine, PSA Peugeot Citroën), il a également été président de l’AFPA de 2008 à 2012.
Découvrez l’ouvrage de Jean-Luc Vergne, « Itinéraire d’un DRH Gâté » paru aux Editions Eyrolles.
Le Club DéciDRH est un club de Décideurs RH, en majorité des DRH mais aussi des RRH, responsables du développement RH, des responsables formation, recrutement, etc… Tout au long de l’année, nous proposons des opportunités de rencontres et de networking, d’assister à une douzaine d’événements et offrons à nos 150 membres des occasions uniques pour s’informer et se divertir. Découvrez nos programmes et /ou inscrivez-vous à nos évènements sur en cliquant ici
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