Premier centre de lutte contre le cancer en Europe, Gustave Roussy mobilise à lui seul 3000 emplois. Pour garantir une excellence en matière de soins, de recherche et d’enseignement dans l’intérêt du patient et optimiser l’attractivité de cet établissement hors-norme, la mise en place d’une politique RH singulière est requise. Gestion RH que Philippe Bourassin, son DRH, nous expose en marge de son intervention au Colloque du Club DéciDRH, « DRH: évolution, influence et perceptions de la fonction », mardi 13 octobre prochain à l’Auditorium Le Monde.
Le Club DéciDRH : Comment accompagnez-vous l’innovation, au niveau RH, pour favoriser une « médecine de pointe au service de l’humain » ?
Philippe Bourassin : Accompagner l’innovation scientifique par la DRH sur les cinq prochaines années, c’est en priorité : attirer et développer les talents. A horizon 2020, l’évolution de nos pratiques de management, notamment à travers l’élargissement du champ de responsabilité des managers, devra favoriser l’espace donné à chacun. L’enjeu est que Gustave Roussy devienne un employeur modèle, convoité par les meilleurs, exemplaire sur le plan des opportunités professionnelles pour celles et ceux qui y travaillent ; également compétitif et équitable en ce qui concerne les contreparties du travail et pionnier dans les domaines favorisant la qualité de vie au travail, conscient que la qualité des soins en dépend.
Améliorer le management. Afin de renforcer le dynamisme des équipes, leur épanouissement et leurs compétences, Gustave Roussy continuera d’innover dans ses pratiques de management (mise en place d’un système d’évaluation adapté, développement de l’appartenance à un corps, etc.). Autre point : fidéliser par une rémunération globale plus attractive. C’est un enjeu sur lequel Gustave Roussy s’engagera pour non seulement attirer les talents mais aussi s’assurer de leur motivation à rester. En repensant sa structure, son évolution et en améliorant sa modularité, il garantira aux collaborateurs une rémunération équitable. Accentuer la Responsabilité Sociale : à travers des axes qualitatifs relatifs au dialogue social, la qualité de vie au travail, l’égalité des chances et le développement de la gestion des ressources humaines. Cette démarche s’ancrera au niveau des unités de travail par une ligne managériale rendue solide et cohérente sur ces enjeux indispensables à l’unité sociale de notre établissement. Favoriser l’innovation au niveau RH, c’est aussi : déléguer la gestion des ressources humaines et du micro management. Ce système implique un travail étroit de pilotage de l’emploi ainsi que des mécanismes de gestion du personnel destinés à renforcer les compétences professionnelles et la qualité de vie au travail. Il poursuit deux objectifs majeurs : associer les chefs de département à la gestion de l’hôpital (pour les responsabiliser aux enjeux non médicaux générés par leur activité), et confirmer le rôle de prestataire des Directions administratives à l’égard des Départements (pour placer le patient au cœur de l’activité de tous les salariés).
Enfin, développer des compétences. L’Institut dépasse déjà le niveau d’investissement préconisé par le législateur en matière de formation. Les actions de développement professionnel proposées sont construites en étroite collaboration avec les services concernés. D’ici 2020, nous assisterons à un renforcement de l’expertise par des modules adaptés à chacun, et le développement d’actions de tutorat permettant le transfert entre professionnels de savoir-faire exclusif de Gustave Roussy.
Le Club DéciDRH : Avez-vous une politique particulière en matière de risques psycho-sociaux (RPS) pour vos collaborateurs compte tenu de l’activité de l’IGR ?
Philippe Bourassin : Face à une grande variété de problématiques de santé au travail (exposition au rayonnement ionisant, risques biologiques et chimiques, risques psychosociaux, etc.), Gustave Roussy dispose depuis des années d’un service de santé au travail autonome. L’introduction de la pluridisciplinarité des services de santé au travail a été l’occasion d’intégrer deux intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) en ergonomie et psychologie du travail. Ce dernier a permis de construire de manière partagée une ligne de conduite préservant Gustave Roussy des risques psycho-sociaux, qui sont un risque non négligeable dans un environnement de travail orienté sur la prise en charge des cancers. En 2012, l’Institut a reçu le prix du « Bien-être au travail » par Médéric-Malakoff pour cette initiative. Par ailleurs, le système de micro management mis en place au niveau des secteurs de l’hôpital permet de régler au mieux les dépenses de personnel en lien avec les nécessités opérationnelles. Il garantit au-delà de la maîtrise budgétaire un climat interne au secteur propice à l’autogestion, donc à la responsabilisation des acteurs.
En résumé, nous déclinons notre ambition globale en matière de RPS de la manière suivante : une ambition d’exemplarité en matières de dialogue social, de qualité de vie au travail, d’égalité des chances et de sécurité, la satisfaction au travail à la loupe. Une enquête menée en 2010 auprès des départements de soin a permis d’évaluer la satisfaction au travail ; depuis plusieurs bonnes pratiques ont d’ores et déjà été mises en place. Puis, un engagement renouvelé en faveur de l’emploi des handicapés. L’institut a signé en mars 2012 son premier accord d’entreprise en faveur de l’emploi et de l’insertion des personnes en situation de handicap ; en 2014, 118 collaborateurs handicapés étaient intégrés contre 66 en 2011. Enfin, l’égalité des chances : une attention particulière continue d’être portée sur le renforcement des dispositions en faveur de l’égalité professionnelle hommes-femmes, sur la solidarité entre générations et sur l’intégration culturelle des nouveaux arrivants.
Le Club DéciDRH : Quelle est la place du digital au sein de votre structure RH ?
Philippe Bourassin : Nous avons défini une ambition pour parvenir dans les 5 prochaines années à l’intégration de dispositifs contemporains visant l’attractivité et la fidélisation du personnel. Le digital doit ainsi attirer les meilleurs en améliorant la marque employeur de Gustave Roussy (reconnaissance de par nos outils de travail modernes qui rendent compétitifs nos emplois, une promotion en externe pour une meilleure connaissance de l’Institut et la possibilité de candidater en ligne, etc.). Le digital doit également favoriser les évolutions professionnelles au sein de Gustave Roussy. La dématérialisation des formations professionnelles (e-learning par exemple) permettra à chacun d’aller vers un apprentissage en expertise, le parcours professionnel sera visible et évaluable grâce à des outils informatiques accessibles (projet de bornes pour visualiser les emplois présents dans l’organisation, auto-évaluation de ses propres compétences, etc.) ; à cela s’ajoute la visibilité des contreparties du travail qui mènera à terme à la réalisation de politiques de rémunération « à la carte », conduisant chacun à arbitrer la dimension Durée du Travail/Salaire direct/Salaire indirect… Enfin le digital doit favoriser le travail et la motivation des salariés. Les générations les plus récentes souhaitent disposer d’outils et de pratiques relationnelles comparables à celles de la sphère privée ce que nous développons (activités avec des matériels et conversationnels, environnement de travail moderne…). Nous proposons une solution de réseau social professionnel ouvert sur les pratiques efficaces (tag d’information, alertes, etc.) et envisageons d’autres manières d’exercer l’activité, notamment le travail à domicile.
Le Club DéciDRH : Selon vous et au regard de votre expérience professionnelle, comment travaille-t-on sa crédibilité de DRH ?
Philippe Bourassin : En premier lieu, il me semble important de dire ce que l’on fait, et le faire. Il y a une nécessité à ne pas décevoir par des comportements inéquitables et/ou cyniques et à gagner la confiance des interlocuteurs institutionnels pour travailler dans la durée. Ensuite, il s’agit d’exercer son métier en toute indépendance, y compris de la DG s’il le faut parfois, en l’acquérant par une compétence reconnue sur le pilotage de l’emploi, la maîtrise des frais de personnel, les relations sociales et l’accompagnement des changements organisationnels. Selon moi, s’intéresser à toutes les composantes de l’organisation est nécessaire ; c’est-à-dire considérer chacun avec le mérite dû à la qualité de son travail, ne pas négliger les premiers niveaux de qualification. Pour assoir cette crédibilité, il convient d’agir dans l’intérêt du patient et du client, afin que les décisions soient comprises et justifiées auprès de la DG même quand elle est sceptique. Le DRH doit également compléter le rôle du DG par les aspects sociaux qu’il ne maîtrise pas, car la dimension sociale est une partie de sa responsabilité ; donc nous sommes en partie DG. A cet égard, c’est au DRH qu’appartient d’avoir une vision de l’évolution future des équilibres internes, organisationnels/sociaux/emplois/générationnels, etc. et de faire partager ses analyses au COMEX afin qu’il en soit tenu compte. Enfin, il ne doit pas laisser la DAF prendre des décisions sur les frais de personnel sans conscience de la politique RH : le DRH est le personnage clé des politiques de l’emploi, le DAF est l’analyste synthétique du bilan.
Nos sincères remerciements à Philippe Bourassin pour cette interview.
Assistez à l’intervention de Philippe Bourassin dans le cadre du Colloque « DRH: évolution, influence et perceptions de la fonction », le mardi 3 octobre, à l’Auditorium Le Monde (Paris 13e). Pour toutes informations et inscription, contacter Alissia Nono au 01 46 34 42 96 ou sur l’adresse mail alissia@decidrh.com.
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