Les nouvelles technologies et particulièrement le numérique, génèrent des changements culturels profonds, bouleversent la façon de travailler et l’ensemble des métiers, des activités, des organisations hiérarchiques, etc. Rappelons tout d’abord que ces nouvelles technologies sont bonnes pour la santé et pour la qualité de vie au travail. En effet, robots et/ou ordinateurs réduisent, surtout dans l’industrie, la pénibilité et suppriment les tâches répétitives à peu de valeur ajoutée.
Mais le numérique soulève des paradoxes, des ambivalences. C’est sur ces thèmes que la fonction RH doit initier sans attendre un dialogue avec le management, comme avec les organisations syndicales et les représentants des salariés. En effet, les outils mis en place ont un impact humainement important et provoquent chez de nombreux salariés, inquiétudes et anxiété face aux changements qu’ils induisent. Il faut démystifier certaines craintes mais aussi fixer des règles et des limites avant que les juges et/ou les inspecteurs du travail sanctionnent.
Je voudrais citer quelques exemples. Le premier : la porosité entre vie professionnelle et vie privée. Certains salariés se plaignent d’être harcelés par des mails voir des messages à caractère professionnel qu’ils reçoivent tard le soir. Des inspecteurs du travail, à leur demande, sont d’ailleurs déjà intervenus dans de nombreuses sociétés. Mais soyons réalistes, ces collaborateurs utilisent de la même manière les ordinateurs de l’entreprise pour passer des commandes de supermarchés, réserver train ou avion ou encore envoyer des messages à la famille. C’est l’ordinateur mais également le smartphone ou la tablette qu’ils souhaitent recevoir de la part de l’employeur. Le rôle de la fonction RH est de rentrer dans un dialogue pour limiter les excès de l’entreprise tout comme ceux des salariés, pour définir où est la ligne jaune et quelle est la conduite à tenir. Un groupe international ne peut pas bloquer ses serveurs à partir de 19h le soir. Les dirigeants se doivent d’être au courant de tout ce qui se passe. Ce n’est pas un sujet facile mais grâce aux échanges, on arrivera à bouger les consciences et à limiter quand même, un certain nombre d’abus.
Deuxième aspect, le numérique favorise l’autonomie et la responsabilité. Le parfait exemple est le travail à distance. Mais le même numérique déshumanise ; on voit d’ailleurs dans beaucoup de sociétés des échanges virtuels qui prennent le pas sur les contacts, les relations humaines. Le numérique isole et rend aussi dépendant. Mal utilisé par des managers, il peut provoquer des contrôles voir du « flicage » ; par exemple, pour les livreurs où les hiérarchies savent en temps réel où ils sont ou pour les commerciaux, à quel niveau en sont-ils dans leur contact ou prise de commande. Quelles limites ? Quelles formations aux outils ? Quels effets pervers faut-il stopper ? Voilà des interrogations que la fonction RH doit aborder.
Troisième exemple, le numérique allège le travail. Il a enlevé des tâches répétitives à faible valeur ajoutée mais il supprime également et en permanence des emplois. Au demeurant, il en crée des nouveaux. Le rôle de la fonction RH est de discuter de ces évolutions, ces informations et ces nouveaux emplois qui vont être crées par le numérique et inversement. C’est cette action de dialogues et d’échanges qui évitera à la fois anxiété et revendication.
Enfin, le numérique modifie les rapports hiérarchiques. Sans parler de ces contrôles fatigants dont je parlais précédemment qui sont les effets pervers utilisés par des petits chefs. Le rôle de l’encadrement, de la hiérarchie va être demain de faire évoluer les capacités d’innovation collective. C’est important. Le manager va un peu plus supporter, aider ceux qui ont des difficultés car n’oublions pas qu’il est amené à manager quatre générations différentes. Il aura droit à faire évoluer les mentalités en donnant plus de sens au travail et en faisant évoluer ces capacités créatives, ces innovations collectives ; ce que j’appelle la gestion de l’intelligence collective.
Les nouvelles technologies, et en particulier le numérique, ne sont pas seulement « des outils », mais un véritable changement culturel. Cette culture numérique modifie les comportements, les aptitudes, les relations, les organisations du travail…
Les DRH ont un rôle important à jouer pour anticiper et accompagner le changement vers ce « monde nouveau ».
Jean-Luc Vergne
Jean-Luc Vergne est membre du comité de pilotage du Club DéciDRH. Ancien DRH de grands groupes français (Sanofi, Elf Aquitaine, PSA Peugeot Citroën), il a également été président de l’AFPA de 2008 à 2012.
Découvrez l’ouvrage de Jean-Luc Vergne, « Itinéraire d’un DRH Gâté » paru aux Editions Eyrolles.
Le Club DéciDRH est un club de Décideurs RH, en majorité des DRH mais aussi des RRH, responsables du développement RH, des responsables formation, recrutement, etc… Tout au long de l’année, nous proposons des opportunités de rencontres et de networking, d’assister à une douzaine d’événements et offrons à nos 150 membres des occasions uniques pour s’informer et se divertir.
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