Comment les enquêtes sociologiques peuvent aider les entreprises dans leurs décisions stratégiques ?
La sociologie au service des RH : la quête de sens au travail, le fil rouge de la semaine QVCT 2022
La quête de sens au travail ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Quelle définition proposer et quelles actions à mener pour engager les collaborateurs/salariés dans une vision collective ?
Que se passe-t-il pour qu’émerge partout cette quête de sens au travail ? Cela n’a-t-il pas toujours été le cas ?
Et si c’étaient les salariés ou collaborateurs qui nous expliquaient ?
Le sociologue part du terrain pour analyser les problématiques singulières à chaque organisation ! Loin des idées reçues et d’un jargon déconnecté de la réalité, le sociologue accroît des connaissances utiles qui seront la clé d’une action ou d’une réponse adaptée.
L’approche sociologique est fondée sur l’écoute et l’observation, elle ne propose ni de modèle, ni de recette mais des méthodes qui en plus d’être efficaces situent l’humain au centre de la scène !
Travailler et se réaliser en 1970, 1980, …, 2022
Selon les observateurs du travail et des organisations (APEC, Cadre Emploi, sociologues du travail) la quête de sens au travail serait liée, entre autres, au désir d’être utile socialement, d’aligner ses convictions avec son activité professionnelle, d’être en phase avec ses valeurs.
Cette quête de sens participe à la réalisation de soi et à l’épanouissement professionnel, elle est aussi profondément liée à un contexte économique, social et environnemental.
La question des jeunes…
Une question universelle dans le monde du recrutement. Toutes les organisations publiques et privées sont confrontées à la difficulté réelle d’attirer et de recruter les jeunes qualifiés ou non. Je pense aux entreprises mais aussi à l’armée, la police, les établissements pénitentiaires, les hôpitaux, l’école, les tribunaux, (liste non exhaustive).
Les jeunes gens semblent être une source « d’inquiétude » pour les entreprises : comment les recruter ? Comment les fidéliser ? Une musique se joue dans nos oreilles : « les jeunes ne veulent plus travailler… Ils sont en « retrait » ; moins engagés ; plus attentifs à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée/familiale que leurs aînés ».
Nous observons actuellement de jeunes embauchés ou sur le point de l’être qui négocient rapidement du télétravail, ou plutôt des conditions de travail. En cette sortie de crise (pandémie) l’offre d’emploi est plus abondante et les aspirants travailleurs ont un peu plus le choix dans leur destinée professionnelle : ils négocient leur employabilité ! Dans ce contexte, les entreprises rivalisent d’idées et s’adaptent pour recruter les profils dont elles ont besoin, tout en se demandant, quand même, si les jeunes désirent vraiment travailler ?
Ces jeunes gens sont-ils si différents de leurs aînés en leur temps ?
J’ai relu récemment un ouvrage de sociologie qui date de 2001 : « Les jeunes et le travail : 1950-2000 »[1] qui s’appuie, entre autres, sur une enquête réalisée en 1983 sur l’attitude de jeunes face au travail : « Les jeunes préfèrent l’intérêt du travail au salaire, le temps libre à l’intérêt du travail, l’ambiance du travail à l’intérêt du travail. Plus le capital scolaire est élevé, plus l’intérêt du travail apparaît déterminant. Plus le métier envisagé est proche du métier ouvrier, plus la dimension temps libre devient importante et plus le salaire prend de l’importance ».
Les différentes dimensions du rapport au travail se dissocient, notamment chez les mieux « dotés scolairement ». A la fin des années 70, des jeunes diplômés démissionnent de leur travail. Certains pratiquent une « mobilité de résistance » en essayant de faire coïncider un projet professionnel initial et un trajet professionnel, en changeant successivement d’emploi. D’autres, très résistants au travail, pratiquent une mobilité « immotivée », en changeant d’emploi du jour au lendemain.
Différentes enquêtes réalisées[2] avec différentes catégories de jeunes montrent aussi que ces derniers rejettent la valeur morale du travail. Ils reconnaissent toujours sa valeur utilitaire mais refusent de considérer le travail comme une fin en soi et seul but de l’existence. Ils considèrent moins le travail comme un métier que comme un emploi.[3]
Des réactions de refus se manifestent dans l’absentéisme, les sabotages, le refus de faire carrière, le refus de s’engager et le refus des fonctions de responsabilité.
Les enquêtes actuelles sur le monde du travail révèlent un fort besoin de reconnaissance au travail[4] quel que soit l’âge. Ensuite en fonction de la phase de vie dans laquelle se situent les individus (célibataires, couple, famille) les besoins seront différenciés : de la formation, de la protection sociale, des salaires plus élevés et plus d’autonomie pour les plus jeunes.
La transformation du travail
Que s’est-il passé depuis le siècle dernier ? L’accélération de l’usage des nouvelles technologies a accentué la vitesse de travail, la rentabilité, et l’intensification des tâches ; introduisant aussi de nouveaux maux telles que la charge mentale liée aux problématiques de (dé) connexion et les stimulations ininterrompues des réseaux sociaux (pour exister, pour travailler, pour se détendre).
Le rapport au temps a changé, nous pensions en gagner avec l’avènement des TIC et bien non car les tâches se sont complexifiées et l’organisation du travail avec !
Par exemple, l’augmentation de l’autonomie des cadres a vu émerger de nouveaux dispositifs pour contrôler le travail (système de reporting, indicateurs de performances) dévoreurs de temps, chronophages et peut-être sans intérêt pour le collaborateur. François Dupuy, sociologue, estime que : « Les systèmes d’évaluation sont devenus des machines folles, la « politique du chiffre » se substituant à la connaissance concrète du travail sur le terrain. » (François Dupuy, sociologue)[5]
Un autre exemple de transformation est celle de l’organisation du travail en silo, qui devenueopaque etdéconnectée des attentes du client, voit émerger le concept de coopération, sensé “désopacifier” les organisations. (Voir François Dupuy)[6]
Les différentes crises que la société française a traversé depuis le choc pétrolier de 1973, la crise financière de 2008, sanitaire de 2019, ont vu émerger de nouvelles formes de travail : auto-entreprenariat, nomadisme, coworking, fablabs, télétravail.
C’est donc une société en profonde mutation qui exprime de nouveaux besoins professionnels, de nouvelles qualifications et compétences qu’il s’agit d’étudier et analyser et à travers elle les individus qui la constitue.
La quête du sens est la recherche de nouveaux cadres de références, les individus jeunes et/ou moins jeunes s’interrogent sur leurs besoins, leurs envies, leurs motivations, leurs profondes convictions dans un monde instable et parfois maltraitant. Au procès de France Télécom en 2019, Christophe Dejours rappelle qu’avant le 20ème siècle, les suicides au travail n’existaient pas ! (Sauf chez les agriculteurs) : « Il n’y avait pas de suicide sur le lieu de travail, c’est une pathologie mentale nouvelle »[7].
Pour répondre aux problématiques des « maltraitances organisationnelles », des insatisfactions professionnelles, des objectifs de performance des organisations, du recrutement, des experts sont mandatés pour améliorer les conditions de travail et par-delà la qualité de vie au travail.
Il s’agit de penser des solutions et de conseiller les entreprises et/ou organisations pour harmoniser et (ré) concilier des besoins, des motivations, des projections satisfaisants les différents acteurs que sont l’entreprise, le collaborateur/salarié et le client/consommateur/usager.
Pourquoi des enquêtes de sociologie pour les entreprises ?
Bien en amont, avant de proposer des solutions et des conseils, le sociologue va enquêter auprès des entreprises, en leur sein, afin d’explorer avec méthode les problématiques soulevées. C’est un travail collaboratif mené en partenariat avec l’entreprise qui commande l’étude : il s’agira de définir les contours de l’enquête et les méthodes adoptées.
Rappelons-le, il n’existe pas de recette. Ce qui est bon pour une entreprise et ses collaborateurs ne l’est pas forcément pour une autre. L’entreprise est un construit social singulier avec des objectifs qui lui sont propres.
Les solutions opérationnelles, les leviers d’action envisagés sur mesure ne prennent forme qu’après l’élaboration d’un diagnostic rigoureux !
Dans une enquête, le sociologue s’applique à déconstruire les stéréotypes qui nuisent à l’appréciation de la réalité sociale, pour rendre compte et analyser le vécu au travail.
Par exemple, des enquêtes sociologiques révèlent l’incertitude des jeunes quant à leurs projections professionnelles (CDD, statuts moins protecteurs), une incertitude qui peut influencer la manière d’aborder son emploi.
Dans un article du Monde de 2019[8], les sociologues Dominique Méda et Patricia Vendramin expliquent que « les jeunes travailleurs doivent vivre dans le court terme (…) Ils doivent dessiner eux-mêmes leur trajectoire professionnelle. Dès lors, ils n’ont pas la même loyauté envers l’employeur : ce que les salariés plus âgés interprètent comme un déficit de motivation »
Ce ne serait pas une difficulté liée à la motivation mais plutôt à celle de s’engager sur un contrat court, non renouvelé, ou sur une mission peu rémunératrice.
J’invite donc à chausser la paire de lunettes du sociologue pour comprendre les comportements sociaux à partir du point de vue des individus insérés dans des relations professionnelles.
Associant théories, concepts et cas concrets, je propose des grilles de lectures pour décrypter ce qui se joue au sein des entreprises dans le travail quotidien des personnes.
Je développe les méthodes et techniques de recherches en sciences sociales, utiles pour appréhender les stratégies déployées par les individus pour faire leur travail.
J’explique l’intérêt pour les entreprises de réaliser des enquêtes sociologiques, qui en plus d’éclairer les problématiques, contribuent à renforcer la confiance.
Je démontre, avec des exemples d’enquêtes réalisées pour des organisations (l’armée de terre en l’occurrence), l’intérêt, l’efficacité de l’usage de la sociologie pour répondre concrètement aux problématiques posées.
Un temps nécessaire vous sera consacré pour que vous puissiez exprimer vos expériences professionnelles, vos difficultés mais aussi vos succès !
Pour terminer, je me réfère à nouveau à François Dupuy et son équipe, qui durant la crise sanitaire ont mené 600 entretiens auprès de dirigeants, managers, employés et représentants syndicaux de neuf entreprises et administrations volontaires :
« La grave crise du Covid 19 que nous connaissons actuellement impacte lourdement les modalités de travail des entreprises, quelle que soit par ailleurs leur activité. Ces impacts ne se mesureront pas par des sondages même si cela séduit encore beaucoup de dirigeants : on ne trouve, à travers un sondage, que ce qu’on y a mis et comme disent les anglo-saxons, « garbage in, garbage out ». Les transformations du travail qui se produisent sous nos yeux et vont continuer à se produire sont d’un degré de complexité tel que les comprendre et/ou les anticiper nécessite l’appel à des méthodologies que les sciences sociales maîtrisent. (François Dupuy)
Valérie Berrette, Docteure en sciences sociales et consultante.
Pour en savoir plus sur sa formation, cliquez ici
[1] Nicole-Drancourt Chantal, Roulleau-Berger Laurence, Les jeunes et le travail : 1950-2000, Paris, PUF, 2001
[2] Ibidem : enquêtes réalisées dans les années 70
[3] Ibidem : p.190
[4] https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/28/dans-le-monde-du-travail-jeunes-et-plus-ages-se-disent-confrontes-au-meme-probleme-le-manque-de-reconnaissance_6013454_3234.html
[5] https://www.cairn.info/magazine-sciences-humaines-2011-4-page-60.html
[6] https://www.observatoire-ocm.com/interviews/francois-dupuy/
[7] Christophe Dejours : https://www.franceinter.fr/justice/proces-france-telecom-le-suicide-au-travail-c-est-la-partie-emergee-de-l-iceberg
[8]https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/28/dans-le-monde-du-travail-jeunes-et-plus-ages-se-disent-confrontes-au-meme-probleme-le-manque-de-reconnaissance_6013454_3234.html
Comments are closed.