Formation et qualité de vie au travail sont deux axes forts pour les ressources humaines en cette année 2015. Franck Morel, avocat associé chez Barthélémy Avocats, partenaire annuel du Club DéciDRH, nous en précise le contexte avec son œil avisé d’expert en droit social. Il interviendra sur ces thématiques lors du colloque du mardi 14 avril « Innovations pédagogiques et évaluation des actions de formation » et à l’Université d’été « Le travail : confiance v/ défiance, Collectif v/individualisme » les 18 et 19 juin.

 Club DéciDRH : La tendance pour le droit social semble être à la complexification. Qu’est-ce que cela engendre pour vous, expert, et vos clients ?
Franck Morel : La tendance est malheureusement nettement à la complexification. C’est assez paradoxal car on ne dénombre plus les nombreuses lois de simplification au cours de ces dernières années qui sont réelles et effectives. Cependant, on a le sentiment que la complexification va plus vite que la simplification. C’est à dire que les deux chantiers progressent de pair : l’un voulu et l’autre subi. Mais les forces qui aboutissent à complexifier le droit du travail sont plus actives et rapides que celles qui visent à le simplifier. On peut citer notamment la jurisprudence avec un certain nombre d’arrêts au cours des dix, vingt dernières années qui ont créé du droit (l’obligation de sécurité de résultat, le principe général d’égalité de traitement, la prise d’acte, etc.) et aboutissent à rendre un peu plus complexe les règles applicables. Le législateur est aussi parfois à blâmer de ce point de vue-là. Nous avons un exemple très récent via la pénibilité qui montre combien intrinsèquement, la mise en place de certaines règles créée de la complexité malgré tous les efforts que l’on peut faire pour arrondir les angles. Il est donc nécessaire vis-à-vis de nos clients de trouver des solutions pour la gérer et être proactif. Il y a très peu de domaines dans le travail qui n’ont fait l’objet d’aucune évolution du droit au cours des quinze dernières années. Il y a eu des changements de règles pour la durée du travail, le licenciement économique, la formation professionnelle, la santé au travail, la rupture du contrat de travail. Quels sont les domaines où cela n’a pas été le cas ? Peut-être l’intérim, stable depuis quelques années ; encore qu’il y a eu la création récente du cdi intérimaire. Mais les sujets où les règles, la jurisprudence n’ont pas évolué sont rares et peu fréquents.

Club DéciDRH : Vous interviendrez le 14 avril prochain sur l’action de formation en termes juridiques. La formation est-il le sujet « chaud » 2015 ?
Franck Morel : Oui mais ce n’est pas la seul. Pour les RH, la formation professionnelle fait partie des chantiers 2015 en raison de la nouvelle loi de mars 2014 qui a de nouveau modifié de manière assez substantielle ses règles d’organisation et son financement. Nous sommes passés d’une logique où on avait un budget et où on se demandait à l’intérieur de celui-ci ce qui pouvait être « imputable » sur les budgets légaux et ce qui ne pouvait pas l’être. On change complètement de braquet désormais avec une somme versée obligatoirement à un tiers collecteur et une gestion interne de tout le reste avec des règles beaucoup plus souples qu’avant. Mais des points de vigilance sont importants en matière d’obligation, d’adaptation à l’emploi et de la gestion de la relation avec le collecteur par-delà les obligations légales et les versements qu’on est obligés de lui faire.

Club DéciDRH : Le vendredi 19 juin, vous ferez partie d’une table ronde sur la qualité de vie travail à l’occasion de l’Université d’été du Club DéciDRH. La responsabilité des managers sur ce point est-elle légalement en jeu ?
Franck Morel : Oui ! En fait, la question de la qualité de vie au travail peut être abordée de différentes manières. D’un côté de manière dynamique, à travers la possibilité dans la loi de mars 2014 d’une négociation unique qui regroupe toutes les négociations obligatoires sur la qualité de vie au travail. Ceci permet d’alléger légèrement les contraintes qui vont peser sur les entreprises en matière de menu obligatoire des négociations ; c’est le « contenant » si l’on peut dire. Après on peut se poser la question du « contenu » qui consiste à essayer de trouver des réponses un peu organisées, collectives et dynamiques sur l’épineuse question de la frontière entre la vie au travail et la vie personnelle. Ces dernières sont de plus en plus floues avec une importation de la vie au travail chez soi ou de la vie personnelle au travail. On peut donc se demander à partir de quelles limites cette situation ne va pas poser des difficultés de gestion, des complications par rapport à la problématique des temps de repos, de la charge de travail. Elle va également générer une série de questions autour du fameux droit à la déconnexion, des limites de l’utilisation des outils de nouvelles technologies à titre personnel sur le lieu de travail (à partir du moment où on ne peut pas l’empêcher). Il n’est pas question de prendre cela sous un angle seulement défensif, punitif, de régulation mais sous un angle d’aménagement de règles, d’un état d’esprit.

Club DéciDRH : Vous êtes partenaire du Club DéciDRH depuis cinq années, êtes-vous partant pour une sixième édition ?
Franck Morel : Tout à fait. Nous continuons notre partenariat avec le Club DéciDRH. L’idée étant d’apporter notre regard sur l’aspect juridique des questions de ressources humaines dans un univers où le juridique est extrêmement stratégique et où l’environnement des règles de droit bouge sans cesse. Il nous semble nécessaire de savoir comment s’inscrire dans cet environnement de manière proactive, dynamique et de ne pas le subir pour en utiliser toutes les potentialités.

Un grand merci à Franck Morel pour cette interview.
Propos recueillis par Astrid Crabouillet.

Retrouvez Franck Morel lors du colloque du mardi 14 avril « Innovations pédagogiques et évaluation des actions de formation » et à l’Université d’été « Le travail : confiance v/ défiance, Collectif v/individualisme » les 18 et 19 juin.

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