Apporter les préceptes et les bénéfices du bouddhisme Zen dans les sociétés est une approche que Federico Dainin-Jôkô Procopio, maitre Zen au sein du dojo La Montagne sans sommet, met en pratique depuis quelques années. En marge de sa participation à notre Université d’été sur « Le travail : confiance vs défiance, Collectif vs individualisme » les 18 & 19 juin à Lille, cet homme au parcours riche nous fait part de sa vision respectueuse du management.
Club DéciDRH : Comment avez-vous commencé à faire de la sensibilisation au Zen dans les sociétés ?
Federico Dainin-Jôkô Procopio : Tout d’abord parce que je suis un moine séculier. Dans le bouddhisme Zen, il est possible de faire le choix de partir vivre dans les temples ou alors d’être rattaché à un maitre et de demeurer dans la vie « ordinaire ». C’est ce deuxième choix que j’ai fait. Je vis, je travaille, j’ai une vie de famille et il se trouve que je suis gérant depuis quelques années. Essayant de diriger ma structure et mes employés avec les valeurs bouddhiques qui sont les miennes, il m’a semblé évident de me questionner sur le management en général. De fait, l’entreprise apparait clairement comme un des lieux de souffrance aujourd’hui : discrimination, inégalité des chances, solitude, manque d’écoute et d’humanité, « objectisation » des hommes qui deviennent des machines à production et à profit. J’ai ainsi commencé à faire méditer mes salariés avec une forme de méditation complètement dépouillée de tous rituels trop spirituels ou religieux ; juste avec l’idée de prendre conscience de soi, de l’écoute. Puis grâce au bouche à oreille via des confrères dans la profession, d’amis qui avaient le « pouvoir » de l’introduire dans leur entité, on a fait appel à moi. Petit à petit, il y a eu un effet boule de neige et j’ai été de plus en plus contacté.
Club DéciDRH : Quelles formes prennent vos participations ?
Federico Dainin-Jôkô Procopio : Avec le temps, elles se sont différenciées. Il y a des interventions ponctuelles comme de simples conférences, de l’animation de team-building (séminaires sur la connaissance de soi et celle de l’autre, l’esprit d’équipe, les valeurs fondamentales de l’être humain). Je fais également du coaching de chefs d’entreprise (écritures de valeurs, de charte, d’éthique interne) et des sessions régulières comme dans deux cabinets d’avocats parisiens où j’interviens tous les quinze jours pour des séances de méditation silencieuse d’une heure et demie. J’essaie de leur transmettre la posture de l’assise à proprement parler, mais également tout l’environnement du bouddhisme Zen particulièrement axé sur l’amour de la beauté. Elle s’exprime dans les arts (cérémonie du thé, calligraphie) qui sont un moyen de réunir les gens autour d’un moment de lâcher prise total et de leur faire prendre conscience qu’ils sont ensemble capables d’écrire une belle histoire.
Le Club DéciDRH : Comment apporte-t-on le Zen dans les structures managériales ?
Federico Dainin-Jôkô Procopio : On l’adapte ! Plus précisément, on le dépouille de l’aspect religieux et on l’harmonise aux attentes des personnes. Je crois qu’actuellement, l’Homme attend de retrouver sa place dans son existence ; c’est ce que le Zen peut apporter de manière très pragmatique. Un plan de carrière peut être une façon d’épanouir un être vivant s’il est bienveillant, s’il ne s’arrête pas uniquement aux compétences. Un service recrutement peut devenir un véritable acteur social si, notamment, je ne considère pas que j’ai un droit de choix sur les CV. Au sein de mon entité, nous recevons tous les candidats ; et pour ceux dont les CV sont truffés de fautes ou mal présentés, nous prenons du temps de leur expliquer en quoi ils pourraient l’améliorer et être retenus une prochaine fois.
Le Club DéciDRH : Pouvez-vous nous proposer un exercice facile à faire au travail ?
Federico Dainin-Jôkô Procopio : Les choses simples sont toujours les meilleures. Je vais prendre l’exemple d’un exercice que nous faisons régulièrement dans une maison d’édition parisienne. Nous avons installé sur un serveur central une application qui fait apparaitre un petit moine avec une clochette, toutes les heures, sur les ordinateurs. A ce moment-là, il est préconisé de s’arrêter et de respirer trois fois tout simplement. Pour ce faire : on se positionne bien droit installé dans le siège, le fessier au fond pour se redresser, les pieds bien à plat dans le sol. On pose les mains et les avant-bras sur les cuisses. On ne ferme pas les yeux pour rester dans le « réel ». On inspire sans altérer notre rythme habituel : on suit l’air qui rentre dans les narines, passe derrière la tête, empreinte la trachée, traverse les bronches, remplit les poumons. Pendant ce moment, vous pouvez prendre conscience de votre vie telle qu’elle est là avec ses échecs, ses réussites, ses émotions. Effectuez ensuite la même chose dans le sens inverse en expirant très lentement et en lâchant tout ce dont vous avez pris connaissance avec ce souffle qui s’en va. On le laisse se dissoudre en poussant son abdomen pour vider le corps. Si tous les employés faisaient cela une fois par heure, je suis persuadé qu’il y aurait un mieux aller en sérénité, une plus grande découverte et sensation de soi. Et, pour ceux qui le font avec plus de régularité, les sociétés seraient sans doute remplies de Bouddhas éveillés et prévenants qui feraient beaucoup de chiffres d’affaires mais en étant avant tout des êtres épanouis.
Nos sincères remerciements à Federico Dainin-Jôkô Procopio pour cette interview.
Propos recueillis par Astrid Crabouillet
Pour plus d’informations, consulter le site La montagne sans sommet.
Assistez à l’intervention de Federico Dainin-Jôkô Procopio, « Motiver et manager différemment ou comment mettre la bienveillance et la confiance au centre des pratiques managériales », à l’occasion de l’Université d’été « Le travail : confiance vs défiance, Collectif vs individualisme » les 18 & 19 juin à Lille. Pour participer, contacter Alissia Nono au 01 46 34 42 96 ou sur l’adresse mail alissia@decidrh.com.
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