Travaillant au service de l’État et détenteurs, peu ou prou, d’une parcelle de puissance publique, ils sont dans une situation particulière par rapport aux employés du secteur privé.
Un droit spécifique : Les fonctionnaires (et les militaires) sont « dans une situation statutaire et réglementaire ». Ils ne relèvent pas du code du travail, ne négocient pas leur situation et acceptent le statut fixé par la loi tel qu’il est. Les militaires servant en vertu d’un contrat relèvent également du statut général des militaires fixé par le code de la défense.
Le concours : Le mode normal de recrutement pour les titulaires même s’il y a des évolutions est le concours soit pour entrer dans une école soit pour accéder directement à un corps.
La carrière : Les fonctionnaires et les militaires de carrière ont vocation à dérouler une carrière tout au long de leur vie, avec des avancements d’échelon et des avancements de grade, voire des changements de corps. Les règles d’avancement sont nettement définies.
Le régime de pension : Les fonctionnaires et les militaires relèvent d’un régime de pension spécifique, sans retraite complémentaire financée par l’employeur.
Des agents sur contrat dans une situation spécifique : Même les agents civils non titulaires de droit public sont dans une situation particulière : ils sont recrutés par période de 3 ans renouvelables dans des conditions expresses. S’ils relèvent du régime général de retraite et ont droit à une retraite complémentaire, ils ne sont pas rattachés à une convention collective mais leur situation est fixée par décret.
2. Mais des évolutions sont à souligner
Le rapprochement dans les sources du droit : Il faut d’abord souligner que le droit de l’Union européenne, comme le droit issu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, ignorent les distinctions entre droit privé et droit public et les touchent de la même manière.
De même, le phénomène de « constitutionnalisation » du droit touche toutes les branches. Ainsi, le droit du travail a peu à peu été enserré dans un ensemble de principes constitutionnels[2], tout comme le droit de la fonction publique. Certains principes éminents du droit de la fonction publique ont aujourd’hui valeur constitutionnelle : l’égale admission aux emplois publics, qui trouve son origine dans les dispositions de l’article 6 de la DDHC ; le droit de grève, qui a été reconnu de manière générale (sans en exclure les fonctionnaires) par l’alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 ; reconnu par ce même préambule, le droit syndical pour tous les salariés, alors même que le syndicalisme avait toujours été, au moins officiellement, interdit au sein de la fonction publique[3].
Pour les militaires, dans deux arrêts récents du 2 octobre 2014, la cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par l’association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL) et un officier de gendarmerie, a estimé que les motifs invoqués par les autorités françaises pour justifier l’ingérence dans les droits des requérants n’étaient ni pertinents ni suffisants, dès lors que leur décision s’analyse comme une interdiction absolue pour les militaires d’adhérer à un groupement professionnel constitué pour la défense de leurs intérêts professionnels et moraux. Si la liberté d’association des militaires peut faire l’objet de restrictions légitimes, l’interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer porte à l’essence même de cette liberté, une atteinte prohibée par la Convention. La loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense (articles 9 à 13) vient de faire évoluer le droit sur ce point.
Enfin, un dernier rapprochement, en matière de sources du droit, concerne le domaine des accords passés entre représentants des administrations et représentants des fonctionnaires. Ce rapprochement est a priori étrange, puisque la caractéristique essentielle du droit de la fonction publique en France est de placer les fonctionnaires dans une situation statutaire, législative et réglementaire. Leur statut est donc défini par la loi ou le décret et non par des accords entre employeurs et agents sur le modèle de ceux du droit privé. Néanmoins, certains accords ont pu avoir une importance et influencé ensuite le législateur. On en trouve un exemple récent avec les dispositions de la loi du 2 février 2007 relative à la modernisation de la fonction publique qui aborde la question du droit individuel à la formation. Cette loi reprend très largement le contenu d’un protocole d’accord sur l’amélioration des carrières et l’évolution de l’action sociale dans la fonction publique signé le 25 janvier 2006 entre le ministre de la fonction publique et trois organisations syndicales représentatives des fonctionnaires (CFDT, UNSA, CFTC).
Par ailleurs depuis longtemps, les règles applicables aux agents civils et aux militaires effectuant le même travail qu’eux dans les mêmes services sont démarquées du code du travail.
Le relatif alignement des droits sociaux ou des pratiques entre fonctionnaires et salariés du secteur privé…
On pourrait citer nombre d’exemples de ce rapprochement.
Tout d’abord, depuis la réforme des retraites de 2003, les fonctionnaires comme les salariés du secteur privé doivent cotiser quarante années pour obtenir une retraite à taux plein.
De même, dans le domaine contractuel, la situation des agents publics s’est rapprochée de celle des agents de droit rivé. Par la directive du 28 juin 1999, l’Union européenne pose le principe selon lequel la forme normale de la relation de travail est la relation de travail à durée indéterminée. C’est pourquoi, il a été demandé aux États membres de prévenir les abus résultant de l’utilisation successive de contrats de travail à durée déterminée, ce qui était d’ores et déjà prévu en France s’agissant du contrat de travail privé. Depuis la loi du 26 juillet 2005, afin de lutter contre une excessive précarité au sein de l’administration française, le « renouvellement » d’un contrat à durée déterminée au-delà de six années entraîne sa transformation automatique en contrat à durée indéterminée.
On peut enfin observer que les garanties reconnues aux agents publics se sont inspirées du droit privé du travail. Ainsi, le juge administratif a-t-il posé les principes suivants : l’impossibilité de licencier une femme enceinte (CE, Ass., 8 juin 1973, Dame Peynet), l’impossibilité de payer un agent en-deçà du niveau du SMIC (CE, Sect., 23 avril 1982, Ville de Toulouse), l’interdiction de prononcer des sanctions pécuniaires à l’encontre des agents publics (CE, Ass., 1er juillet 1988, Billard et Volle) ou encore l’interdiction de prononcer des mesures discriminatoires en matière de rémunérations ou de droits sociaux à l’encontre de grévistes (CE, 12 novembre 1990,Malher), l’interdiction de résilier un contrat de travail pour des motifs tirés du sexe ou de la situation de famille du salarié visé (CE, 27 mars 2000, Mme Brodbeck) ou encore l’obligation de chercher à reclasser un agent inapte à son emploi (CE, 2 octobre 2002, Chambre de commerce et d’industrie de Meurthe et Moselle).
Une part de rémunération variable en fonction des résultats est appliquée à certains corps ou catégories de la fonction publique. L’évaluation et le management par objectifs ont fait leur apparition.
René Picon-Dupré
Ancien DRH au ministère de la Défense
Membre d’honneur du comité de pilotage et d’organisation du Club DéciDRH
[1]On entendra par là, selon le cas, les fonctionnaires, les agents non titulaires de l’État et les militaires, même si pour ces derniers, il est clair qu’ils sont dans une situation particulière.
[2] Il faut rappeler que lorsqu’on évoque la « Constitution », il convient de comprendre « bloc de constitutionnalité », soit principalement la Constitution du 4 octobre 1958 elle-même, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et, depuis 2004, la Charte de l’environnement.
[3] Les militaires n’ont pas le droit de grève ni le droit syndical, mais cette dérogation est fixée par la loi.