DécidRH, dans sa quête d’événements originaux et décalés, a organisé vendredi 29 juin une journée Philosophie, RH et management. Nos participants se sont retrouvés à l’hôtel Saint James Albany devant un parterre d’intervenants éclectiques, venus leur faire partager leur vision et démontrer comment la philosophie faisait partie intégrante de leur vie au travail. Dans un monde où tout va à 100 à l’heure, où le temps est une denrée rare et où le travail n’est pas forcément bien vécu, il était temps d’offrir une bulle d’oxygène à nos décideurs et de prendre un peu de hauteur…
Thibaud Brière a débuté cette matinée en venant nous parler de ses fonctions de « philosophe en entreprise » au sein du Groupe Hervé. Et oui, c’est possible ! Selon lui, et parce qu’il est intervenu auprès de nombreuses organisations, la philosophie en entreprise a plusieurs mérites. Il ne s’agit pas de faire des cours magistraux sur Aristote, Platon ou Descartes, mais plutôt d’utiliser la philosophie comme une méthodologie, notamment dans la définition de la vision que l’entreprise souhaite mettre en place. En effet, à l’heure où les concepts pullulent dans nos organisations, où de nombreux anglicismes se glissent dans toutes les réunions, de nombreux salariés perdent pied et ne font plus le lien entre leur fonction et leur épanouissement personnel. Il est indispensable aujourd’hui de redonner du sens afin d’aider les ressources humaines à intégrer les salaries dans des projets qu’ils comprennent et de les remotiver. Deuxième intérêt d’exercer la philosophie en entreprise : permettre la remise en question. Dans la recherche de la « sagesse », une place doit être faite à la contradiction, ce qui permet de mettre en place une nouvelle vitalité et de tendre vers l’agilité par la recherche de nouvelles solutions. Il ne suffit pas de mettre en place des valeurs partagées ou de parler d’engagement. La philosophie en entreprise doit permettre d’interroger la véracité et les réelles finalités de l’entreprise, et ainsi d’aligner les moyens mis en place avec les objectifs de l’organisation.
Un duo de choc est venu ensuite nous faire partager leur vision, à travers leurs propres expériences. L’un a été dans la Marine pendant plus de 30 ans, l’autre a rejoint en 1982 la congrégation des Frères de Saint Jean. Deux parcours très différents me direz-vous, et pourtant un partage de valeurs communes qui ont régi leurs vies respective tant dans le domaine professionnel que personnel.
Olivier Lajous est tout d’abord revenu sur une notion qui lui est chère : « le jeu du je-nous ». Selon lui, l’équilibre entre le « je », c’est à dire l’autonomie, l’épanouissement personnel, et le « nous », en tant que membre actif d’une collectivité quelle qu’elle soit, est certes difficile à atteindre mais c’est la clé pour faciliter la performance et permettre un réel engagement des salariés. Olivier a aussi insisté sur la notion de confiance qui est « le pari d’une relation réussie ». Son expérience au sein de l’armée, sur laquelle il est revenu, démontre que la confiance (« à vous le soin ») et les responsabilités qu’elle impose permettent à la fois l’épanouissement des salariés mais aussi de travailler dans un climat de bienveillance et d’exigence, synonyme de performance.
Frère Samuel Rouvillois, intervenant depuis plusieurs années auprès de grandes écoles et d’entreprises, a rebondi sur ces notions et a insisté sur la perte de repères et de sens qui s’est installée progressivement dans notre société, y compris dans le cadre du travail. La différence entre la notion d’emploi et de métier a été gommée, le temps de l’expérience accéléré, l’entreprise est devenue un « jeu de rôles prédéfinis ». Selon lui, il est donc nécessaire de remettre du sens dans tout ça, notamment en revenant à la notion de « métier » qui participe à la fabrication de l’identité de chacun et de se recentrer autour de notre relation à l’autre. La confiance, la bienveillance volontaire, l’apprivoisement durable d’autrui, la connaissance de soi et le fait d’accepter la fragilité de chacun doivent devenir des piliers de nos organisations et de nos modes de vie respectifs. « Tous nous serions transformés si nous avions le courage d’être nous », affirme-t-il. L’acceptation de l’interdépendance, de notre naissance à notre mort et donc de la réelle considération de l’importance de l’autre, doit être remis au centre des préoccupations des organisations d’aujourd’hui, notamment auprès des jeunes générations, en pleine perte d’identité.
Eric Julien a un parcours détonnant. Géographe de formation, il est victime, durant les années 80 d’un œdème pulmonaire en plein cœur de la Sierra Nevada colombienne. Il est sauvé par les indiens Kogis et cette rencontre va profondément changer sa vision de la vie et l’amener à s’interroger sur les apports de la philosophie kogie dans le monde du travail. Il vient de publier à ce titre un ouvrage, « Le choix du vivant » qui expose 9 principes pour vivre et manager en harmonie. Il est revenu avec nous sur certains d’entre eux. En premier, le principe d’altérité, la prise en compte nécessaire de l’autre. Ensuite, la communication, ramenée à son aspect purement physiologique, est ici considérée comme vitale. De cette considération de l’autre, se met en place un système d’interdépendance qui permet aux managers un changement de posture essentiel et de l’agilité : face à un dysfonctionnement, on répare, on ne cherche pas de coupable, on cherche ensemble des solutions. La question du sens implique la notion de risque, et donc la prise en compte de l’autre. Tout est donc lié, à l’image du fonctionnement de notre propre corps ou de la nature. C’est par l’observation de la nature que les indiens kogis pensent et gèrent leur société, ne serait-il pas temps que nous fassions de même ?
Alexandre Jost, fondateur de la Fabrique Spinoza, est venu conclure cette matinée en nous posant une question : le bonheur peut-il être une philosophie au travail ? De grands principes philosophiques l’ont aidé à répondre à cette question. Tout d’abord, la morale. Cette notion doit être utilisée aujourd’hui par les entreprises pour envisager le bonheur. La Fabrique Spinoza a été jusqu’à faire des démarches pour que soit inscrit dans la loi la nécessité pour les entreprises d’être vertueuse dans la gestion des salariés et dans la prise en compte des questions environnementales. La notion d’éthique en suite, impliquant la question du bon et du mauvais, permettrait une démarche d’amélioration continue au travail : en prenant compte de ce qui est bon pour le salarié (travailler tout en s’épanouissant personnellement), on élimine ce qui est mauvais pour lui (le stress et la perte de sens). Enfin, l’ontologie permettant une réflexion sur soi et donc sur l’autre doit être un outil de mise en place du bonheur au travail. Alors que l’autre peut être source d’épanouissement (le travail en équipe est reconnu comme l’une des valeurs les plus importantes au travail), il peut aussi devenir le pire cauchemar d’un salarié. Il est donc important de mettre en place des rituels permettant de mieux travailler ensemble : cela peut être la mise en place d’un management par les valeurs comme c’est le cas au sein du Groupe Hervé, ou le déploiement d’un temps de parole type « météo intérieure » avant une réunion comme au sein de l’entreprise Pimkie afin de permettre aux managers d’être réellement au service de leurs équipes.
Après cette matinée riche en émotion et en réflexion et un repas au soleil bien mérité, l’après-midi a été placée sous le signe des échanges et des retours d’expériences. Frédéric Henrion, directeur des ressources humaines chez Suez, est venu témoigner des bienfaits de la philosophie en entreprise suite à la mise en place d’un programme de 6 mois avec Thae. Des groupes de travail volontaires ont été mis en place pour progresser sur la gestion de différents projets et questionner les valeurs de l’entreprise. Des règles ont été instituées : suspendre son jugement, construire ses réponses sur la parole de l’autre en s’obligeant à l’écoute et parler en son nom (« je » et pas « on »). Le résultat dans la gestion notamment des réunions a été marquant et cette « philosophie » de travail est désormais adoptée ! Cela a permis de questionner les évidences et de remettre en cause la pensée unique, trop fréquente au sein de nos entreprises.
Une sorte de bilan de cette journée a été réalisée lors d’une table ronde animée par Antonella Cellot-Desneux, déléguée générale du réseau Les Entreprises Pour la Cité. Ce qu’il en ressort ? une volonté de remettre du sens dans l’entreprise de manière pragmatique, une remise en question du rôle des managers envisagés désormais comme des guérisseurs, des « passeurs de bonheur », un éloge du management par les valeurs, l’empathie comme devant être au centre de la posture managériale…
Au sortir de cet événement, 85% des participants interrogés déclaraient que les intervenants présentaient un très grand intérêt et que cet événement leur avaient permis de prendre du recul et une bonne bouffée d’oxygène ! On se retrouve donc au prochain semestre lors de nos événements ?
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Emilie GAUDIN, chef de projet événementiel
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