Un beau taux d’audience pour la soirée en prime time organisée le 16 avril par le Club DéciDRH qui a réuni plus d’une centaine de participants dans le bel auditorium de TF1. Notre hôte Nonce Paolini, Président Directeur Général de TF1, nous a fait le plaisir d’ouvrir la soirée : « Vous n’êtes pas des tristes dans ce club m’a-t-on dit*, et cela se voit dans votre slogan ! Je connais le métier de DRH, pour l’avoir exercé pendant plus de huit années. C’est un métier difficile, très prenant, mais aussi passionnant. Le DRH accompagne le président et prend sur ses épaules l’accomplissement des décisions prises. » Faisant allusion aux thèmes des deux tables rondes de la soirée, il déclare avec humour que le DRH est à la fois le bon, la brute et le truand selon les circonstances… et que la gestion des divas est un exercice sportif !
Ce DRH de l’année 2000 passe ensuite la parole au DRH de l’année 2012, Olivier Lajous, Président du Club DéciDRH et Président de la Société Nationale de Sauvetage en Mer qui souhaite à l’assemblée « une soirée pleine de tonicité et de bonne humeur dans un des temples des médias ! »
Table ronde : Le management des divas
Alexandre Lichan, Directeur de la rédaction de MEDIARH, journaliste, et animateur du Club Média RH sur BFM Business, appelle sur le plateau les intervenants de la première table ronde et demande à chacun sa définition de la diva :
« Une personne qui considère que les règles du collectif ne s’appliquent pas à lui » selon Christophe Victor, Directeur Général du Groupe Les Echos, « quelqu’un qui ne veut pas recevoir d’ordres et se gère de façon autonome » pour Jane Salmon, Associée Barthélémy Avocats, « une personne qui excelle dans son art, et capricieuse » d’après Murielle Charles , Directrice Déléguée au dialogue social de France Télévisions (remplaçant Patrice Papet, DGA RH, empêché à la dernière minute), « celui qui a une grosse tête et estime qu’il a tout le temps raison contre tout le monde » pour Antoine Guélaud, Directeur de la rédaction de TF1, qui ajoute « Mais on rentre dans une forme de normalité, et les divas se font de moins en moins nombreuses. » Propos confirmés par Christophe Victor : « C’est vrai que la diva a tendance à disparaître, ce qui explique peut-être en partie le désintérêt du public. Dans un journal, l’originalité des plumes célèbres se reflète dans leur personnalité et leur tempérament hypersensible. Il est difficile de les gérer et de les garder. Il faut veiller à ce que la diva ne s’exclue pas du collectif. »
La star doit garder les pieds…sur terre
Pour Murielle Charles, la mise en place de conditions particulières est une nécessité pour répondre aux revendications des divas qui souhaitent bénéficier d’avantages spéciaux (demandes de passe-droit, primes, notes de frais,…) par rapport au commun des mortels. « L’organisation de France Télévisions, encadrée par un ministère de tutelle, empêche les abus. Mais des dérives peuvent exister » précise-t-elle.
« Les leaders, ou ‘signatures’ comme on les appelle, sont indispensables » indique Antoine Guélaud. « Ce sont des personnages récurrents, auxquels on s’identifie. Mais ils sont comme leur voisin de bureau, en plus célèbres, et la loi commune doit s’appliquer à eux aussi. Il faut parfois savoir leur remettre les pieds sur terre. Dans une chaîne comme TF1, la star c’est la marque. Les présentateurs sont des moteurs.»
La diva est susceptible de poser des problèmes particuliers en termes de droit. « La diva, ou star, est un salarié comme les autres, soumis aux même règles mais elle n’en a pas conscience ! Les stars ont des prétentions parfois exorbitantes» souligne Jane Salmon. « Certaines possèdent une notoriété à gérer au sein de l’entreprise, mais également auprès du grand public. Elles deviennent un produit recherché pour leur image, décident elles-mêmes de leur carrière et outrepassent les règles, posant de grandes difficultés aux DRH. »
« Recruter une diva n’est pas simple », reconnait Christophe Victor, « On ne gère pas les divas tout à fait comme les autres. Pour les garder il est nécessaire de les placer au centre d’un environnement qui favorisera leur créativité et leur liberté d’expression. »
La médiatisation à outrance de certaines stars les entraine parfois à se piéger elles-mêmes et à commettre des gaffes ou à déraper. « Nous devons alors leur remettre une colonne vertébrale et les renvoyer à la loi » déclare Murielle Charles.
Les RH à la Rédac’
Les rédacteurs en chef managent des équipes parfois importantes, sans pour autant avoir reçu de formation au management. « J’ai une formation de terrain, j’ai été reporter, cela m’a forgé », explique Antoine Guélaud « mais je n’étais pas sensibilisé à la gestion des hommes. On a appris à travailler avec les RH ». « Les RH rentrent de plus en plus dans les rédactions, ce qui n’était pas le cas encore récemment », ajoute Christophe Victor, « la mise en place d’entretiens annuels d’évaluation date d’il y a très peu. »
« Les jeunes acceptent moins bien le management à la hussarde » fait remarquer Alexandre Lichan, qui enchaîne en demandant aux orateurs si une diva crée des jalousies au sein de l’organisation.
Christophe Victor tient auparavant à réhabiliter un peu l’image de la diva. Les enquêtes menées auprès des lecteurs montrent qu’ils considèrent certaines pages comme des must (comme la chronique de Philippe Bouvard dans le Figaro Magazine), et que les plumes qui les rédigent contribuent énormément à la renommée et à la qualité d’un journal. Il est normal selon lui de ne pas les traiter exactement comme les autres.
Pour Antoine Guélaud, une diva peut évidemment susciter des jalousies. Il compare le présentateur à une vitrine de magasin, dont la fonction est de donner envie au passant d‘entrer dans la boutique. Ce rôle clé justifie les différences de salaire.
« La star est fabriquée par le public » note Jane Salmon, « Or dans le droit du travail l’employeur ne peut pas avoir de prise sur la vie privée de l’employé. Cela entraîne une réflexion de fond et pour certaines stars on peut se demander si le statut de salarié est justifié. Mistinguett avait coutume de dire : mon métier c’est ma vie privée, et ma vie privée c’est mon métier ! »
Table ronde : l’image du DRH dans les médias, le bon, la brute ou le truand ?
Frédéric Ferrer, journaliste, consultant et professeur à l’ESCP-Europe anime la deuxième table ronde, « sans strass ni stress ! » et appelle sur scène les acteurs figurant au générique : Christophe des Arcis, Directeur du développement RH de TF1, Thierry Teboul, Délégué Régional du groupe IGS, Gina de Rosa, Rédactrice en chef d’Entreprise et Carrières et Jean-François Amadieu, Professeur agrégé en sciences de gestion, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, auteur du livre « DRH, le livre noir ». « A nous de deviner qui est le bon, la brute et le truand » plaisante Frédéric Ferrer.
La session commence par la projection d’un film réalisé par des étudiants du CFA IGS en Cycle Master Pro 2 Ressources Humaines : ‘DRH et Cinéma. Une profession au banc des accusés’.
« L’idée du film est née d’un travail que nous voulions mener sur les identités professionnelles. Puis nous avons souhaité faire un focus sur l’image du DRH dans le cinéma, personnage qui souvent n’a pas le beau rôle » précise Thierry Teboul.
Le DRH mérite-t-il sa mauvaise image ?
Ce n’est pas tout à fait sa faute selon Jean-François Amadieu : « Le DRH est coincé dans cette position. Comment parvenir à revaloriser la fonction ? Dans mon livre, j’avertis sur le fait que la gestion des RH disparait des cursus de certaines business schools. Par ailleurs, un tiers des Français est incapable de nommer une mission du métier de DRH. L’image du DRH dans la fonction publique est celle de quelqu’un gérant quelques dossiers et pas plus ».
Dans le journal Entreprise et Carrières, « le DRH est présenté à travers sa fonction, sa politique, et les processus qu’il met en place », indique Gina de Rosa. « Nous le traitons en toute neutralité, au même titre que les syndicats. Notre objectif est de prendre du recul par rapport aux pratiques RH. »
Selon Christophe des Arcis, « il ne faut pas choisir ce métier si on veut prendre la lumière. Peut-être d’ailleurs ne se met-on pas assez en avant ? Comme tout le monde nous aimons la reconnaissance, mais le DRH valorise souvent les autres, parfois la direction. Notre rôle est complexe. »
Le mauvais rôle
Toujours d’après Christophe des Arcis, l’image de la Direction des RH restera toujours mauvaise, car dans l’inconscient collectif, c’est « là où on se fait virer ». Le secret y règne. C’est le lieu obscur où salaires et promotions sont décidés. Mais il est tout aussi convaincu que le DRH peut et doit tisser des liens de confiance, acquérant ainsi de la crédibilité à titre personnel.
« Une des difficultés du DRH est qu’il ne peut pas toujours prendre position sur certains sujets, » souligne Jean-François Amadieu « même avec beaucoup d’efforts, il reste difficile pour lui d’avoir le beau rôle. C’est la DRH qui adresse les lettres de refus aux demandeurs d’emploi, quand elles prennent la peine d’en envoyer. Cela donne forcément une mauvaise image auprès du public ».
« Qu’est-ce qui cloque dans le scénario ? » interroge Frédéric Ferrer.
Le livre ‘DRH, le livre noir’ condamne certaines techniques RH, mais la fonction de DRH est relativement jeune, comme le rappelle Thierry Teboul. Elle se construit et met en place des moyens de légitimer et d’objectiver ses actions. « Vouloir trop techniciser son métier pour le rendre plus important représente peut-être une erreur dont le DRH va revenir. Le DRH doit donner une dimension politique à son rôle. Pour moi le constat du livre ne reflète pas la situation actuelle. »
« Le titre est vendeur » indique Christophe des Arcis « mais vous exagérez le trait. Oui le DRH a des réseaux, mais jamais il n’impose des embauches. Quant aux tests que vous égratignez, ce sont des outils qui permettent de voir certaines réactions, d’en discuter, mais ce ne sont pas eux qui décident de l’embauche ! Au final, c’est au manager de prendre la décision d’embaucher ».
« La fonction de DRH évolue sans cesse pour s’adapter aux nouvelles exigences des salariés » fait remarquer Gina de Rosa, « il est tout le temps sur la brèche. Nous interviewons des DRH inventifs qui proposent des solutions et testent des initiatives, en appui avec leur direction. Mais il est difficile de les faire témoigner, on sent qu’ils vivent sous contrainte à la fois des directions et des syndicats. »
Comment changer la perception de l’image du DRH ?
Pour Christophe des Arcis, le label diversité par exemple permet à l’entreprise d’être jugée par un organisme extérieur et crédibilise les actions RH. « Mon objectif cependant n’est pas d’être reconnu par les médias, mais par les collaborateurs. Le DRH doit faire tout ce qu’il dit. En revanche il ne peut pas dire tout ce qu’il fait ! »
« La filière RH est la dernière option choisie par les étudiants d’HEC » souligne Thierry Teboul « des actions pédagogiques doivent être effectuées afin de mieux expliquer la fonction auprès des jeunes. »
Les pratiques douteuses, catastrophiques pour l’image du DRH, doivent cesser afin que le DRH ne soit plus la « brebis galeuse » selon Jean-François Amadieu.
La fonction RH existe pourtant de plus en plus dans les organisations, et a intégré le comité de direction. Certains DRH ont l’oreille de la direction comme le confirme Gina de Rosa « mais ceux en positon de dire non à la direction restent peu nombreux ».
La profession RH connait une nouvelle contrainte, son inscription dans le ‘court-termisme’. « Or la gestion des hommes se construit dans la durée » déclare Thierry Teboul, « un nouveau métier apparait même : le DRH de transition ! Dans les écoles, on ne cesse de répéter aux étudiants qu’ils ne resteront pas longtemps dans la même organisation, ce qui a une incidence sur la GRH des entreprises ».
« Dans notre groupe nous avons la culture de la durée » témoigne quant à lui Christophe des Arcis, « nous pouvons ainsi voir les fruits de ce que nous avons semé, et effectuer un réel accompagnement du changement. Malgré les difficultés de notre métier, nous connaissons des moments de satisfaction, quand nous arrivons à trouver des solutions de maintien et de reconversion d’emplois après un travail commun avec les salariés et les managers. »
Pour terminer, Frédéric Ferrer demande à chacun de donner un titre de film représentatif du métier RH : ‘The Artist’ pour Christophe des Arcis, ‘Les professionnels’ pour Gina de Rosa, ‘Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages’ pour Thierry Teboul et ‘La grande illusion’ pour Jean-François Amadieu (qui n’a pas voulu choisir ‘Affreux, sales et méchants’) !
Notre président Olivier Lajous nous donne ensuite sa synthèse de la soirée : « Un monde sans divas serait un monde très ennuyeux ! Il faut avoir une grande personnalité pour être grand reporter. Peut-on les traiter comme tout le monde ? Oui, il le faut, car les règles doivent s’appliquer à tous, tout en trouvant des biais qui ne castrent pas leur talent. Concernant la deuxième table ronde, ne laissons pas le H de DRH partir à la dérive ! La gestion des hommes se termine souvent les yeux dans les yeux. Chaque être humain est un être unique et rare et le rôle du DRH consiste à mettre en place des règles qui l’aident à progresser. »
En conclusion, Christophe Leparq remercie chaleureusement le magnifique casting des tables rondes et les deux animateurs pour leurs interventions en direct-live sans prompteur, ainsi que les personnes ayant participé à la réalisation de la soirée, tout spécialement Christophe des Arcis, Jean-Michel Garrigues, Directeur associé en charge des RH et du Développement chez BLB Associés, président d’Audiens Sommitale et d’Audiens Retraite Agirc, Antonella Desneux, Directrice Citoyenneté, Innovation Sociétale et Développement Durable du Groupe SFR, Vice-Présidente du Club DéciDRH, Paula Rosa de TF1 et Julie de Folleville, qui après trois ans passés à chouchouter les membres du Club DéciDRH, va dans quelques mois s’envoler vers d’autres cieux, si possible dans le secteur des médias !